Savourer ce Printemps, ce renouveau de la nature avec des fleurs et des couleurs dans mon jardin, voilà le leitmotiv que j'avais pris après deux années perdues, diluées dans le temps infini des doutes et des éloignements involontaires.
Alors aujourd'hui avec le soleil mitigé qui se conforte de donner un peu de chaleur mais surtout de bloquer les nuages de pluie si utile, je suis lasse de ne pas vraiment sortir, non plus contrainte par le confinement mais par une perte de goût de l'aventure. Je suis paradoxalement coincée entre l'envie de sortir, de gambader devant mes boutiques préférées, suivant un chemin rassurant, retrouvant des vendeuses devenues parfois des amies, des modèles et des marques proches de moi, et pour autant je me sens molle de ne plus avoir ce déclic naturel, engourdie par une fibre casanière imposée durant ces années, devenue une modification génétique de mon comportement. Rien de plus, juste ce canapé en cuir chauffé par les rares rayons de soleil, cette robe-pull si douillette et de la musique disco en fond dans tout l'appartement.
Hier encore, je regardais d'un air distrait, ma collection de beaux escarpins, posée sur des étagères basse de mon salon, comme des bibelots rutilants. Elle était née de façon involontaire de mes achats, de mes évasions sur le web, comme des bonbons trop sucrés achetés à la sauvette, avec des couleurs vernies, entre deux séries de soldes. Les magazines, les heures passées en télétravail avec des fenêtres sur la mode, les tendances les plus débiles, les plus enviables qui provoquaient un achat plus que compulsif. Des escarpins, des brides fines ou extra-larges en cuir épais pour envelopper mes chevilles, des talons, des petits, des moyens et puis des cinq pouces vertigineux. Mais quand elles arrivaient, j'étais comme une gamine, ouvrant la porte au livreur avec un masque que j'aurai volontiers, malgré tout, embrassé comme un lutin du père Noël, enthousiaste, follement enthousiaste de mon propre cadeau, pardon achat enfin arrivé. Je mettais la musique un peu plus fort, et je me chaussais. Plus exactement je fonçais vers ma garde-robe, mon portant avec mes robes, mes tuniques, mes tops et mes jupes. Couleurs ou petites robes noires, j'hésitais, je variais toujours, j'essayais beaucoup, cela s'entassait sur le lit, le canapé parfois même par terre. Pas de souci, pas de visite, et tant de temps à occuper dans ce vide confiné. je remettais un morceau, encore un peu plus fort, funkytown, et je me glissais dans mes bas, puis dans mes escarpins.
Je dansais, je me jouais des centimètres nouveaux sous mes pieds. Mais en deux ans, j'ai dompté mon instabilité, les portant par plaisir pour danser encore, seule dans mon salon. En les portant aussi sous mon bureau de télétravail, ma pointe de folie, ma féminité toujours présente même les jours sans envie de m'habiller en restant scotchée derrière un écran, sans visio, sans rien.
Aujourd'hui, je les regarde, comme des parenthèses posées là, des touches de couleurs des quatre saisons passées. Je vois le gris du ciel, je me repose, je rumine mes non-envies de sortir. Je me suis habituée à ce vide autour de moi, à ses bruits extérieurs assourdis, tel un ronronnement urbain, avec un peu de vent en bonus dans les branches de l'arbre devant mon balcon. Molle, je lis un livre tombé de ma pile de livres, ce stock incongru de coups de cœur classés de façon chaotique, au gré des dégringolades des piles diverses dans les coins du salon. J'aime les voir couchés les uns sur les autres, non pas debout sur une étagère. Ils sont mes complices, comblant ce vide, d'autres touches de couleur dans mon univers personnel.
Finalement je me sens bien ici.
Nylonement