"Bête comme ses pieds" voilà une des expressions préférées de feu ma grand-mère. Et ce matin, en arrivant dans ma boulangerie, j'y ai pensé très fort.
Une vieille dame était là avec son cabas à roulettes, attendant la serveuse du coin café (oui cette nouveauté un peu partout, les pains spéciaux en plus de la baguette, les viennoiseries, les snackings (autrement dit les sandwichs mais parfois aussi des burgers !), les pâtisseries et maintenant les tables pour les cafés, les glaces ou les crêpes, est-ce une boulangerie ou un café ou un salon de thé ? ), la brave petite dame attendait donc une jeune femme arrivant avec des boîtes de capsules pour la machine à café. En fait elle lui a glissé une pièce pour le pourboire, la tasse vide était juste sur la table derrière. Et là arrive une dame, une grand-mère avec ses deux petits enfants, qui lui parle fort, sans discrétion, avec une compassion suintante, celle d'une bourgeoise parlant à une femme de ménage. Elle lui rappelle qu'elles se connaissent, qu'elle devrait lui donner son téléphone pour l'inviter à prendre le café à la maison, un après-midi.
Vous vous dites, il écoute, eh oui la queue pour le meilleur croissant de la région est longue.
La vieille bourgeoise baisse la voix mais sa surdité relativise la force sonore.
"Faites attention aux deux chiens dehors" elle montre deux petits bouledogues anglais souriants et gentiment assis dehors, attachés, patientant en attendant leur maître amateur de croissant.
"Faites attention ils vont peut-être vous mordre, ils sont sûrement méchants" elle répète plusieurs fois à la simple dame. L'autre la regarde, les petits enfants zieutent les deux chiens tranquilles. Le maître entend les propos, sourit.
La première dame pousse son cabas, les roulettes restent bloquées sur les bottes de la seconde. Sa simplicité n'empêche pas son intelligence. Elle se penche.
"Non Madame, ces petits chiens, les animaux en général. Tous les animaux ne sont pas méchants. Non, non. Seuls les humains sont méchants."
La vieille bourgeoise renchérit en la voyant partir sur les chiens méchants, et une fois la porte franchie sur son numéro pour un café. Un grand vide, Un silence.
Deux gamins désabusés car ils trouvent les chiens si mignons.
Et là, le maître avec ses deux croissants repassent près d'eux, entre sourire sarcastique et possible colère sous-jacente, il interpelle le trio.
"Non, mes chiens ne sont pas méchants. Ils attendant sagement. Vos petits-fils peuvent venir les caresser sans danger."
La vieille aigrie de la vie, aurait volontiers tirer la laisse invisible pour retenir ses petits fils. Ceux-ci piaffaient maintenant d'aller voir les deux bouledogues anglais sautillant en voyant leur maître revenir vers eux. Et celui-ci d'ajouter :
"Ah si, ils mordent que les vieilles peaux acariâtres."
J'ai souri et j'ai acheté mes deux pains au chocolat.
Nylonement
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