J'aime tant les mots, le sens des mots, les jeux avec eux, les phrases simples devenues aphorismes s'envolant avec mes pensées, les phrases longues car je n'ai pas du tout envie de retrouver mon souffle, gardant ainsi l'éveil de mes envies et de mes passions, toujours actif, toujours vivant.
J'avais vu venir ce groupe de nuages, je le savais là-bas au loin, près pour absorber le noir qui allait s'installait autour de moi, j'aurai pu l'éviter. Du moins j'aurais pu virer de bord, prendre une autre altitude, un autre parcours, virevolter vers un temps plus clair. Mais j'avais aussi envie d'assumer cette dépression, l'affronter frontalement, comme un défi de plus. Oui malgré les derniers mois, malgré les années avant, malgré nos maux ensemble, nos déchirures déjà dépassées, nos blessures pas encore refermées et parfois réouvertes à coups de mots blessants, de colère et d'excès d'amertume l'un envers l'autre, malgré tout cela et tant de moments déjà oubliés, je revois aussi le passé derrière ces instants trop forts, trop indigestes pour jamais être compris. Tu as été là, souriante, vivante, amoureuse, follement amoureuse, emportée par le bonheur de vivre ailleurs, autrement, loin de chez toi. J'aurai pu prendre cela pour une découverte du bonheur, dune qualité de vie unique, cette gourmandise si française, je l'ai cru, sincèrement. Mais le temps m'a donné les clefs d'une autre lecture de nos vies, de ton départ pour ailleurs cachant une fuite en avant, une fuite vers un possible paradis, un recoin de repos tout simplement. Car eux ne t'aimaient pas, ont-ils vraiment aimé quelqu'un ? leurs vies, leurs enfances ne leur ont-ils pas enseigné ce mot "amour" au singulier comme au pluriel ? mais n'avaient-ils pas le temps, la force ou même l'envie de changer tout cela, pour ne pas reproduire leurs douleurs, pour ne pas amplifier ce manque affectif si simple. Donner de l'amour pour serrer ses propres enfants dans les bras, pour les voir grandir et s'épanouir, pour les voir donner à leur tour et comprendre le sens du mot "famille". Ensemble et sans recherche de poids ou de mesures des sentiments, ils auraient pu croire au bonheur réel de l'altruisme, du délicat parfum d'être avec les autres, pour eux, et non uniquement pour soi. Cette recherche simple d'un échange de dons, d'une équation aux inconnues multiples mais aux interactions nombreuses. Trop complexe désir quand l'égoïsme peut se nourrir de soi, du néfaste "me, myself and I". Cela expliquera en partie ton attitude, tes choix surtout. Particulièrement les derniers pour ton corps, comme un refus de prendre les bouées jetées par les autres, pour croire en un miracle de l'océan.
Je suis plongé dedans, avalant l'eau quand les vagues sont trop hautes, retourné dans ces flots incessants depuis quelques jours, non pas seul mais avec nos enfants, chacun essayant de tenir la main des autres, les vagues plus fortes, l'envie de ne pas tirer trop l'autre pour le laisser nager, surnager dans cette houle. Nuages, tempête, dépression connue ou sournoise, mur d'eau ou mer en mouvements, tout cela est devant moi, comme une nécessité, pour retomber plus bas avant de remonter en surface. J'attends ce moment où le corps va refuser l'obstacle pour glisser vers la noirceur de mes émotions, mais depuis des mois, je suis prêt pour ce combat, plus fort que jamais. Ma vie m'a donné de grands espaces de bonheur, m'a jeté vers des vides abyssaux, mais ma volonté est de vivre, de marcher à genoux pour me remettre debout, pour aller vers l'avant. Je refuse des instants, sûr de continuer encore, pour eux.
Alors là, j'ouvre mon esprit, je dors plus sereinement, je joue des parties d'échecs avec mes émotions, je les guide vers l'avenir, pour trouver de nouveaux défis, des challenges heureux et riches de partages avec mes enfants, avec ma lionne, avec mes amis, avec toux ceux et celles qui me lisent, qui me liront encore.
La vie continue, autrement, avec des douleurs à soigner, mais elle continnnnnue.
Nylonement