Du rangement, j'en avais fait durant les derniers mois, retrouvant au passage ces vieux albums de photos que nous faisions avant. L'occasion de se replonger dans le passé, dans les souvenirs surtout, car en observant de plus près les photos, j'ouvrais une porte de ma mémoire, des clefs et des portes multiples.
Les décennies, l'autre siècle, celui de ma naissance, de mon enfance, de mon adolescence, de la guerre, mais aussi de l'évolution exponentielle de notre monde. Je feuilletais les années 60, les prémices de la liberté, d'un féminisme incompris des mâles dominants nourris des siècles précédents, incompris tout autant des jeunes hommes qui voyaient dans l'amour libre des années 70 des corps libérés pour n'être que plus accessibles sexuellement mais doublés d'une femme au foyer ensuite. J'avais vu tout cela, je l'avais vécu, je le revoyait sur nos photos, lui était là, la famille et les copains. Quelques futurs amis fidèles toujours vivants aujourd'hui, d'autres au hasard des clichés jaunis avaient disparus derrière des vérités politiques discordantes ou partis en province pour ne plus jamais être recroisés. Les fameux réseaux sociaux se limitaient au téléphone parfois, à des cartes postales surtout. Un autre temps. Tiens celle-là, il ressemblait à Bébel, nous avions été le voir au cinéma. Quel bel homme ! J'étais jeune, j'étais femme, je voyageais déjà pour mon travail. Les photos parlent de la mode, d'une époque, je me vois m'affirmer dans ces albums, suivant les folies des jupes courtes puis des robes longues, puis du cuir, puis des tailleurs, avant autant de couleurs variées, de matières nouvelles, autant de coiffures que je dirait exotiques aujourd'hui. Les permanentes des années 80, quelle histoire, je ressemble à des actrices de série télé que l'on retrouve maintenant en version vintage sur internet.
Pas vraiment un coup de vieux, plutôt un beau voyage temporel, car j'aime mon image, celle d'une femme assumant sa silhouette, avec les maternités, les enfants, le boulot, la fatigue, les vacances, les sorties, quelques douleurs aussi. Les photos sont là, pas pour chaque instant, mais je revois des époques, des maisons, des déménagements, un divorce, un autre homme, des autres relations, des moments de vies.
Mais je suis toujours là, maintenant je peux dire un peu plus vieille, senior aux cheveux gris ou silver, dans une décennie nouvelle, dans une conquête d'un siècle possible. Mes enfants font et défont leurs vies, mes petites filles viennent fouiller les armoires et les cartons pour commenter mes tenues de mode, elles rigolent, et puis parfois elles piochent car le vintage de mamie devient tendance. Moi, je ris de me voir si belle à cet âge.
Et puis quand le jeune serveur parle d'une jeune grand-mère, pendant que je bois un perrier-menthe avec mon arrière-petite-fille, je rajeunis. Sagement. Je souris encore et toujours. La vie est belle.
Nylonement