Le ciel gris attend un rayon de soleil pour réchauffer son dos, pour lui céder un peu de place. Les oiseaux picorent les peaux de magrets accrochées à la branche, le chat reste là, perplexe derrière la vitre, bien au chaud, un regard vague vers eux.
La cheminée crépite, la chaleur retrouve sa place autour du sapin.
Rien ne bouge sinon ma main sur cette tasse chaude de thé aux saveurs de Noël, je pense à mes amies, si loin par la distance, plus encore par cette crise. Cette année, je ne ferai pas de sms de Noël ou de bonne santé, mais j'envisage plus des cartes, avec le plaisir d'ouvrir une enveloppe, de sentir la matière épaisse de la carte, un dessin original, quelques mots. Ceux-ci seront forcément légers pour ne pas peser sur le fil de la vie des uns et des autres. Doucement écrits à la plume, je viens de nettoyer ce vieux Mont-Blanc de mon 25e anniversaire, une fierté du moment, oubliée mais de nouveau dénichée. De l'encre avec la pompe pour le nourrir, et là quelques voyelles et consonnes pour les prochains jours, pour les relire dans les prochaines semaines, pour croire en l'avenir.
Choisir les couleurs, un thème, pas trop kitsch, juste un peu pour attirer les sourires, pour laisser les doigts s'exprimer dans un dessin qui sera unique, juste pour elle, pour lui, pour eux aussi. J'ai déposé sur la table mes aquarelles, mes crayons gras, mes sanguines chéries et mes blocs de papier. Toutes les épaisseurs, naturellement d'un blanc cassé, avec parfois du grain, lisse ou plus rugueux mais toujours aussi accueillant pour laisser glisser les mains, puis le pinceau. Je pense, plus exactement je me charge de belles émotions, pour en libérer un coup de crayon simplement, un début d'histoire, une bribe aussi, figurative ou abstraite, je ne le sais pas encore. Rien ne vient, là mes mains sont encore sur la tasse chaude, libres de choisir leurs chemins futurs.
Le chat ronronne, vient fureter sur la table basse, sur les papiers étalés, il renifle, tout en cherchant sa place, parfois son confort est relatif, soit sur la pleine page de dessin, vautré de tout son long, soit là posé sur les angles bruts de ma boîte d'aquarelle. Mais il marque son endroit, attendant avec une patience mêlant sagesse de voir mes mains le caresser, puis prendre une pointe d'eau, une touche infinitésimale de rouge et libérer le geste sur le blanc immaculé.
Je suis bien, dans une bulle qui me paraissait disparue depuis quelques moi, j'oublie le travail, les errances des uns et des autres, les possibles ondes négatives d'un monde insatisfait. Le téléphone est loin, en sourdine, le néant attendra, l'urgent avec, si réellement il existe, ce fil multiple ne m'apporte aucune délicatesse ou joie. Relâchée, j'avance dans ce cocon si personnel. Je glisse une jambe sous mon corps, sous cette robe pull soyeux et chaude, l'autre naturellement posée sur le sol, et assise ainsi, je commence à créer. Une douceur entière m'envahit, je suis bien. Le chat ronronne avec les premiers coups de crayon, il ferme les yeux, ressent peut-être les vibrations complices du papier et de la mine traçant des courbes. Un corps apparaît, allongée, quelques lignes, rien de vrai, mais pour mes yeux surpris autant que moi, une forme vient de naître, de ce lien flou entre mon imaginaire, de mes neurones dopées aux endorphines, et de mes doigts légers. Est-ce l'expression naturelle des caresses ressenties ? de ce souvenir encore présent de ses mains à lui sur moi ? de cette folie douce et charnelle partagée avant ce thé ?
Je croque la douceur, librement. Sans limites.
Nylonement
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