J'avais rencontré cette femme pour un projet en cours, nous avions décidé de discuter dans un lieu animé, autour d'un verre et de quelques tapas. Nos discussions tournaient autour des années 50-60, du glamour de cette époque formidable, de l'élégance des femmes, mais aussi de littérature, de romans accessibles et de ces succès incompréhensibles pour des livres improbables pour un un lecteur non-bobo. Grignotages et sourires, nous avions développé nos contacts autour de ce projet qui deviendrait peut-être commun, tout en appréciant cette mini-scène où venait de défiler des burlesque girls, entre poésie et paillettes.
Un magicien à l'ancienne, haut de forme et smoking avait pris place, le silence succédait à la musique des effeuilleuses. Un lapin, des lapins, des colombes, des cartes, des foulards, toute la panoplie entre ses mains, il nous captait par la facilité étonnante à faire apparaître ou disparaître les objets, les animaux.
Nous avons applaudi, il était tard, je l'ai raccompagné jusqu'à chez elle, en voiture, puis là sur le trottoir, sous la pluie, avec cette dernière image dans ma tête, son manteau noir vintage, avec un col de fourrure années 40 ou 50. Puis dans le rétroviseur, en m'éloignant, j'ai eu l'impression qu'elle n'était plus là. Juste ses escarpins, un parapluie et un déluge d'automne, sa silhouette, seul, son manteau.
Je me suis endormi sur cette étrange impression. Un peu de noir, de plus en plus de noir, et elle qui n'était plus là.
Au réveil, mes idées n'étaient pas plus claires, et pourtant son image, sa beauté, son eye-liner me manquait, ses jambes aussi, marquées au dos d'une couture si voluptueuse. Je lui laissé un sms, deux, peut-être quatre ou cinq, dix avant la fin de la matinée. Pour la revoir, ou simplement la voir, sortie de son invisibilité.
Ses mots me sont revenus alors, entre deux rapports, des tableaux d'évaluation, mon travail. Elle m'avait dit avaoir un secret, une passion, et en rigolant elle avait revondi sur le projet, sur la magie de voyager dans le temps, sur le bonheur de permettre un jour à des touristes de passer du XXIe siècle vers la fin du XIXe siècle. Un pas dans la mode Belle Epoque, loin des années 50 certes plus rock, mais en pleine expositions universelles, dans le Paris magnifique. Elle rêvait, elle sourait avec malice.
Au culot, je lui proposé de la revoir, ce midi, là, près de son travail, pour un déjeuner rapide, pour la voir.
Et je suis parti, sans regarder mes collègues, sans attendre les remarques du chef, sans avoir d'autres idées qu'elle. Un restaurant, plutôt un coin dans une galerie de peinture, où l'on peut manger, voir de belles photos, parfois des tableaux, ou des sculptures. Une exposition de pinup, je flâne, mais mon regard va vers la rue, Vers ce fantôme laissé hier soir sur ce trottoir, sous la pluie. Mon imagination peut-être ?
Et si finalement cela continuait, que je ne voyais arriver que deux bottines beige, un sac bleu et une tunique, rien d'autres. Comment l'embrasser, comment la serrer dans mes bras, car oui j'avais envie de cela. La voir, être avec elle. Je l'attendais dans un spectre visible, face à des photos de pinup figées dans le temps par un photographe, présentes face à moi.
Là, elle vient d'arriver, cherche du regard autour d'elle, puis entre. Entière, je la vois dans une tenue lumineuse. Des collants blancs, une laine légère vers cette tunique taupe très claire, elle me sourit en avançant vers moi. Un autre fantôme, en version jour, loin de la nuit, de sa transparence en tenue noire. Contraste rassurant et surtout réalité, elle s'approche, m'embrasse, sur les joues en me glisse "je suis bien là" à l'oreille.
Mystérieuse apparition, celle de mes sentiments définitifs pour cette fée.
Nylonement
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