"Il n'est pas de plaisir plus doux
que de surprendre un homme
en lui donnant plus qu'il n'espère."
Charles Baudelaire dans 'Le spleen de Paris'
Je ne savais que penser de lui. Si exigeant envers lui-même, parfois effrayant dans cette volonté de parfaire ses actions, en particulier professionnelles, que certains le trouvaient maniaque, voire mégalo, et forcément profondément égoïste. Il aimait aller au fond des choses, combler ses clients, créant un lien si fort avec eux, que parfois certains le prenaient pour un membre de la famille. Empathique naturellement, ou sur commande, je ne savais pas encore définir la frontière qui créait cette osmose rassurante, cette coquille protectrice qui les accompagnait. Et pourtant il ne les aimait, tout autant qu'il ne les détestait, il travaillait pour eux, le temps souhaité, pleinement investi, puis il disparaissait en les oubliant presque totalement. Il parlait si peu de lui au final, car il n'avait que cette volonté de partager avec les autres.
Je m'étais trouvée là sur son chemin, par hasard, un jour de pluie fine, nous avions rigolé de ce crachin impromptu, non prévu par les météorologues, juste là dans cette petite rue, devant cette galerie. Il était là et un peu ailleurs, fondu de l'intérieur comme il le laissait échapper, pour ne pas avouer ses souffrances, ce mal qui l'avait dévoré tout cru. Mais tout cela était de l'histoire ancienne, car de ses nuits d'insomnie, il avait tiré plusieurs conclusions, dont celle de choisir la vie, de continuer sur ce chemin-là. En donnant, en partageant le peu qu'il avait, en observant le bonheur qu'il donnait aux autres.
Son intérieur, il ne l'avait pas dévoilé, ou si peu, parfois dans ce lâcher-prise après l'amour, l'un dans l'autre, ses moments plus intimes que les sexes eux-mêmes, cette faille ouverte pour voir en lui. Il m'avait tout donné après quelques mois, n'osant plus avancer si il risquait de blesser une autre personne. Un sourire, des sourires, des envies de plaire pas forcément, d'être aimer peut-être, mais il aimait tant donner. Des surprises, des petites choses simples, des bouquets de fleurs, des carrés de chocolat, des balades avec quelques gâteaux sur un vieux banc, des instants avec les yeux dans les étoiles. Juste pour moi.
Aujourd'hui il ne cherche plus que le bonheur de ses enfants, cette magie devant lui, pour leurs avenirs. Mais aussi le nôtre. Son image est floue dans le miroir, car il ne se voit plus. Non, toujours pas comme il l'aurait souhaité. Il doute de lui et pour oublier tout cela, il se penche vers moi, pour m'aimer. Pour combler mes envies et mes désirs. Pour un simple bisou, fougueux dans mon cou, croquant mon parfum, fusionnant avec mon corps. Il m'aime, parfois sans le dire.
Mais quand ces mots-là viennent vers moi, ils sont francs, vrais, follement émouvants.
Nylonement