Voilà un titre qui casse la baraque. Et pourtant ce n'est que le titre d'un recueil littéraire du grandissime Pierre Desproges. Festivalier permanent, même après des dizaines d'années d'une mort consommée, il incarne le génie de l'humour noir, de l'autodérision et l'illusionniste farfelu mais capable d'un triple salto arrière carpé avec double vrille en sortie pour toujours retomber parfaitement sur ses mots et et sur ses pieds. Un petit livre à avoir en poche quand on fait la queue pour sa troisième dose ou simplement que l'on a coupé la radio et les merdias pour devenir contemplatif sur un banc, seul face à la mer dans une ville balnéaire fermée. Lire et se marrer, sans se passer la rate au court-bouillon, voilà un message sain pour avancer malgré ce brouillard épais qui vient de déferler sur ma vie, enveloppant au passage mes enfants devenus jeunes adultes, pas assez grands pour tout apprécier et encore assez jeunes pour garder une part d'insouciance protectrice.
Brume sous un doux soleil de printemps, je ne vois plus comment sera demain, car je ne définis que des matins et des après-midis, parfois j'ignore les nuits, parfois elles se rappellent à moi avec des gyrophares dans le noir. Ils sont là, elle part, elle quitte la maison pour revenir ou pas.
Quand ? le curseur ne pourra pas revenir en arrière, nous donner encore un peu d'espoir. Il est comme ces liens de plastique, ces serre-fils qui inexorablement se resserrent mais ne permettent pas de se défaire, de coulisser pour se libérer.
Quand ce curseur basculera entre la vie et les prémices d'une mort que l'on ne veut admettre ni même souhaiter mais qui semble si évidente, si présente déjà sans affirmer son statut de futur proche. Palliatifs, un terme si élégant à mes oreilles pour accompagner avec sagesse et professionnalisme les moments de douleurs ou de souhait partiellement exprimé de partir.
Quand la maladie qui la dévore décidera de sa victoire ultime, complète et sans vie. Peut-on se libérer, dès maintenant quand tous nous sommes conscients des analyses et du diagnostic, de l'étendue invasive majeure de cette chienlit de maladie, donc peut-on se libérer de ce poids d'attendre la mort, sa mort prochaine ?
Le sujet de philosophie ne me donnerait pas assez d'heures pour rédiger complètement mon plan, mes questions nombreuses et surtout assez de papiers pour griffonner d'une encre et d'une réflexion structurée les arguments de réponse. Alors je laisse les nuits, ces instants dans le noir avec le crépuscule d'une lune évaporée flottant sur le velux pour laisser libre cours à mon esprit, pour donner une vision, pour la défendre avec ses paradoxes et un peu de compassion, mais en ajoutant le passé, les sentiments perdus et les doutes multiples, cela complexifie les résultats, cela oblige à des tergiversations sans fin, dans la nuit, pour donner du sens au tout final, parfois évanoui dans le sommeil revenu entre deux insomnies existentielles.
Alors là, sous la couette, je tente vainement d'entrer dans un monde glamour, avec vous, mesdames, vos gambettes de luxe marquées d'une couture sublime au dos de chacune. je glisse dans mes rêves, j'imagine le crissement du nylon, la joie des courbes en espérant voir, non, juste apercevoir un revers, une attache voire une jarretelle. Libération de mes neurones engluées, je vogue sur vos corps de femmes, grands ou petits, rondes ou maigres, normales dans toute votre diversité, classiques ou rebelles, sages ou mutines, je rêve quelques minutes pour oublier ce cauchemar du quotidien dont je ne connais pas la durée, mais dont je commence à connaître la douleur cynique, journalière, insidieuse, presque venimeuse.
Nylonement