Une après-midi de libre, sans dossier à préparer, une pause après des semaines de rush obsédant, des journées sans fin, des weekends tronqués soit par le boulot, soit par les pensées encombrées par celui-ci, je marche seule, ma responsable m'a libéré du temps pour respirer, selon ses termes. Deux jours libres, pour faire une exposition, moi qui voit le temps passé si vite que je ne trouve ni le temps pour réserver, ni le temps pour inviter des amis à venir avec moi, ni le temps pour simplement respirer cet air frais. Alors à défaut de tableaux ou de photos, je flâne dans cette rue, devant les vitrines attrayantes. Chaussures et sacs, deux folies compulsives que je n'ai même pas laissé s'enflammer lors des deux dernières saisons de soldes. Certes mes étagères débordent de modèles hauts ou plats, de cuir verni ou de daim de couleurs, je ne manque pas, mais je n'avais plus le temps pour rien, pour moi. Lui me direz-vous, il est parti de ma vie il y a bientôt deux ans, un soir avec une pizza froide, avec sa valise prête et juste quelques mots pour signaler la fin de notre amour. Plus rien de son côté, et moi, juste une fontaine ouverte de larmes, avec le coeur saignant comme une source géante, oubliant nos désaccords et ne voyant que ce manque soudain devant moi. Il m'a fallu plusieurs mois pour comprendre que nous ne partagions plus grand chose, que le copain de fac, devenu amoureux et chéri, installé dans cet appartement, ce mec n'avait plus les mêmes ambitions, et que mon boulot m'emportait ailleurs, loin de lui. Son confort se résumait à parfois ses bras, son corps, son sexe pour une routine bien huilée, mais exempte de sentiments bien réels.
Le boulot, ce vide rempli de boulot, ce moral aussi bas que mes envies en général, même pas une nouvelle paire d'escarpins.
Et puis là, cette petite boutique d'une créatrice, celle dont je ne voyais pas l'existence malgré mes passages journaliers devant, en sortant du métro vers le bureau, je pousse la porte. Je regarde, caresse les matières, demande pour des tuniques de mi-saison, pour un tailleur différent, pour des robes, pour ce pantalon large ou j'hésite avec cette combinaison si stylée, presque smoking. Je prends mon temps et surtout je ne pense qu'à moi. Des conseils, une créatrice souriante expliquant ses choix, ce sur-mesure possible si je souhaite une autre couleur, dans la semaine, mais le blanc me plaît, ah moins que ce ne soit l'ivoire là-bas. J'essaye encore, elle m'offre un thé, quelques gourmandises, des macarons maison. J'aime ce jour si tranquille.
Et si je prenais des vacances.
Nylonement