Rien ne pouvait me faire douter de la féminité. Absolument rien.
Encore moins le temps, cette dimension terrible qui vous rappelle le jour de votre anniversaire, au milieu des cadeaux et hourras des amis, que vous avez pris un an de plus, une décennie de plus. Quinqua et alors ! Pimpante et féminine dans cette petite robe noire, des coutures dans le droit alignement de mes talons fins.
Cette sonnette m'avait surprise dans ma préparation, je n'attendait personne, à cette heure tardive de la journée. La fin d'après-midi avait laissé place à la soirée depuis une bonne heure, le ciel avait noirci pour déléguer la lumière uniquement aux lampadaires de la rue. Un second coup de sonnette, plus insistant. Il a les clefs pourtant. Alors j'avais décroché l'interphone pour entendre un livreur me confirmer sa présence en bas de la résidence. Surprise, étonnement, pourquoi si tard ? pour quel colis ? "un bouquet, Madame" !
Alors j'avais ouvert la porte principale à distance après avoir préciser l'étage pour le recevoir. Un jeune, en jean et polo gris bariolé d'un logo géant, deux bras, le tout caché derrière ce gros bouquet de roses rouges. Je me suis excusée de ma froideur, croyant à une mauvaise blague, à un enquiquineur vendeur de vent. Un pourboire pour ce service sur-mesure, il était déjà reparti vers d'autres clients.
Moi, j'ai pris le temps de savourer ce bouquet, ce papier de soie blanc, les fins rubans de couleurs roses et parmes pour enserrer les longues tiges. Une carte aussi, une écriture manuelle, plutôt de femme, pour transmettre le message par téléphone entre l'acheteur et la boutique délivrant la commande.
"Veuillez trouver les traces de mon Amour pour Vous. Mille et un pétales carmin, comme autant de battements de coeur pour Vous. A ce soir !"
Un cadeau, non pas pour une st valentin commerciale, ni pour une date fixe chargée d'obligations, non juste pour le plaisir de passer devant un magasin de fleurs, d'avoir un pincement au coeur. Il m'avait expliquer cela, en riant, en prenant un bouquet et en le payant à la volée à la fleuriste, comme dans un film, nous étions là, simplement en ballade. Avec ses sourires, avec les miens retrouvés depuis sa rencontre. Tout simplement, par le plus grand des hasards, sans forcer l'évidence d'une rencontre ou l'obligation de former un couple avec des profils cachés derrière internet, il était passé, sans jamais repartir de ma vie.
Encore aujourd'hui, nous n'avions pas un appartement commun, mais des contraintes d'enfants encore jeunes, de divorce mal digéré, d'emplois nous tenant à distance certains jours de semaine, mais nous vivions ensemble comme un couple. Heureux, toujours avec le même pincement en pensant à lui, recevant ses attentions avec bonheur. Ce soir, nous irions voir une exposition en nocturne, puis nous pousserons au hasard une porte de brasserie pour déguster un plat en nous serrant sur la banquette.
Nos mains sont toujours proches, comme un signe naturel de cet amour, de ce partage émotionnel traversant nos corps. Parfois les personnes, des amis ou simplement des inconnus, nous font la remarque sur cette sérénité que nous incarnons.
Oui il m'aime, je l'aime, nous nous aimons.
Nylonement