Continuer à marcher, encore quelques pas, encore un peu pour m'aérer la tête. Sortir de cet hôpital même si les soins et surtout le personnel sont là pour moi, mais j'ai tant envie de voir du ciel bleu, de le croire immaculé pour me réchauffer. Mon corps souffre de cette putain de maladie, celle qui dévore mon sein gauche. Quelle injustice, quelle merde, les douleurs me rendent grossière pour la première fois de ma vie, je ne sais plus quoi penser.
Car comme beaucoup, j'ai fait ce qu'il faut, prévenir avec des visites bi-annuelles pour une mammographie, avec entre-temps des palpations chez mon gynécologue. Un suivi régulier pour ne pas y penser, pour montrer l'exemple, pour être sur d'être bien dans mon corps de femme. Et puis soudain, la première crampe, là en soulevant le bras, en nettoyant des vitres dans le salon, je me suis dit que je vieillissais un peu, le ménage en plus du travail. Mais les souffrances sont venues me relancer même en pleine lecture, sagement calée dans mon canapé. Tendre le bras pour ma petite tasse de thé, la relance, et donc une visite chez mon médecin, les autres rendez-vous ont vite suivi. Nombreux pour faire des examens, pour me découper en tranches fines avec les scanners et autres TEP, j'ai visité les cliniques, attendue des heures des spécialistes surchargés. Assommée par la sanction, surprise mais surtout victime d'une injustice, j'ai pleuré, libérant mon corps de cette nouvelle affreuse, impossible. Oui j'a renié ce sein, j'ai refusé cette déclaration trop facile dans la bouche de cette femme médecin. Un cas parmi d'autres, non pas vraiment, c'était moi, face à cette nouvelle i-m-p-o-s-s-i-b-l-e.
Vivre avec, l'annoncer aux autres, mes proches, mes enfants, mon mari si souvent absent, devenu un fantôme, mes parents, mes amies, mes collègues. La douleur, la fatigue surtout et tout cela démultiplié par les traitements, j'ai vomi mon corps, mes envies de ne plus être malade, de ne plus être tout court.
Vivre malgré tout cela, malgré les médicaments et leurs effets secondaires irrationnels, j'ai marché vers le bout du tunnel. Assommée durant des semaines, espérant en sortir plus vite que les autres, voyant les mois passés, espérant simplement sauver ma peau, car j'ai perdu toute rationalité. Que de voyages intérieurs dans un moi blessé, conscient de mes faiblesses, refusant cette vérité chaque jour et pourtant la voyant dans ce creux de mon corps, J'ai pleuré encore, j'ai trouvé heureusement du personnel médical follement disponible, totalement à mon écoute, même face à des questions stupides, des espoirs d'un autre monde. J'ai ajouté petit à petit quelques amies, quelques collègues, ceux qui n'ont pas eu peur, ceux qui ont compris mon combat, ceux qui ne savaient pas quoi dire mais proposaient leurs épaules fortes comme des mouchoirs infinis.
Vivre pour eux, mes enfants, ma famille. Forcer l'espoir d'être dans la bonne partie des statistiques. Croire en tout cela entre deux phases fatigue immense et des douleurs régulières. Retrouver le chemin pour marcher, sortir enfin de ces lieux trop visités, de ces contrôles trop nombreux, sortir vers un taxi libérateur. Ecouter de la musique, pour marcher et reprendre le cours de ma propre vie.
Vivre tout simplement après mon cancer.
Vivre.
Nylonement
OCTOBRE ROSE
Une cause, un combat quotidien pour beaucoup de femmes, pour des amies, des proches, des voisines, des collègues, des anonymes.
Apportez votre soutien moral ou physique, en écoutant leurs doutes, leurs souffrances et leurs douleurs diverses, car le pire serait en plus de les laisser de côté.