Un rayon de soleil, juste lui entre deux nuages, juste là sur mon livre. Je savoure doucement les pages, les centaines de pages présentes dans une douzaine de bouquins, pour une quinzaine de jours de vacances. Ce poids totalement assumé dans ma valise sur le quai de la gare, mon sourire malgré l'effort pour me déplacer dans les escaliers des transports, mais là, allongée sur le sable dans la pente de la dune, je me complets dans cette océan de mots, avec cette lumière qui éclaire le chemin, qui suit mes voyages littéraires.
J'aime ce lieu, ces vagues changeantes au gré des marées, des dizaines d'années passées ici en toutes saisons, depuis mon enfance. Sans compter le nombre de fois, sans vraiment le savoir, je me retrouve un peu chez moi dans cet endroit, dans ce coin de verdure brute, lavé par les grandes marées, par le vent fort et par les fines brises.
Je suis venue ici, enfant, si souvent avec mes parents, eux si jeunes, j'ai retrouvée les photos récemment en rangeant leur maison. Dans des albums aux pages collées, des photos en noir et blanc, des polaroids, les premières versions de la couleur, aujourd'hui délavées, nous tous, mes frères et ma soeur, quelques cousins aussi, sur cette plage, dans nos maillots de bain, courant vers la mer, revenant trempés mais pleins de joie. Des années d'insouciance, avec les grands-parents et leur grande maison, une grande pièce à vivre avec une table immense, une cuisine ouverte, spacieuse pour frotter les kilos de moules fraîchement pêchées. Là aussi un canapé pour noyer notre sommeil entre deux moments intenses. Châteaux de sable le matin, natation, jeux de ballon, cache-caches en revenant dans les pins, barbecue, petite sieste, retour à la mer pour d'autres sculptures géantes dans le sable, courir toujours, revenir pour manger un BN et un carré de chocolat Poulain, courir encore jusqu'au soir, dormir un peu dans les coussins avant le dîner. Sombrer profondément après pendant qu'ils jouaient à la belote, un jeu de grands. Ils nous portaient dans nos lits à l'étage. Le lendemain était un éternel recommencement avec la même énergie, les mêmes plaisirs pour dévorer cet air marin.
Tourner les pages, regarder un peu au-dessus de mes lunettes, les autres vacanciers vaquent à leurs diverses activités, le plus souvent ils passent, marchent vers le port, l'autre village.
Alors je récupère mon paysage, mon bout de mer, rien que pour moi.
Les livres, je prends le temps de les parcourir et pourtant chaque jour, j'en repose un sur la pile des ouvrages lus. J'aime ce moment où ils vous prennent, vous tiennent, ne vous lâchent plus. Je suis la lectrice captive des romans, du voyage intérieur dans ce décor de grand extérieur. Je voyage en panoramique, totalement accaparée. Je lis, je m'arrête, je regarde ici et là, je me couvre d'un chapeau quand le soleil donne trop de sa superbe. Je reprends, je plonge à nouveau, je suis à nouveau kidnappée pour quelques heures.
Parfois même je m'endors, mais le vent d'une nouvelle marée sait toujours me réveiller. Le jour décline, la nuit tombe, je rentre dans la vaste maison vide, le canapé est toujours là. Fatigué par les années, je m'allonge et je tourne les dernières pages, l'épilogue d'une journée de vacances. Un autre livre après le repas, dans le lit, la tête dans les étoiles, pour rêver les prochaines pages, pour le réinventer avant demain.
Nylonement