Au coeur de l'hiver, dans le creux d'une semaine brumeuse, je prends le temps de regarder dehors, d'apercevoir enfin le bout de l'allée, la rue principale et son activité toujours animée. Rien que des silhouettes, des gens anonymes, d'autant plus que l'on ne distingue que leurs formes, leurs grands manteaux sombres avec parfois une ponctuation de couleurs pour quelques doudounes à boudins bibendum.
Rien que ce froid dehors, et moi, assise devant ma table, mon bureau personnel dans cette pièce annexe. Une chambre d'amis devenue mon royaume pour mes journées parfois mes nuits, mon autonomie d'indépendante me permet de revendiquer un domaine pour moi seule. des étagères suédoises, rationnelles et fades, des post-it nombreux de couleurs, ici et là, des rappels, des compliments, des bisous de ma chérie, des photos aussi. C'est mon univers !
La semaine dernière j'étais de passage au Portugal, dans une robe d'été quasiment, pour aller voir des architectes, pour boucler leurs dossiers transfrontaliers, pour des aides juridiques, le tout dans mon grand sac besace, dans mon ordinateur portable. Et puis des ballerines ou des escarpins suivant les distances à parcourir, des robes pour savourer les dizaines de degrés assurés ici, loin du froid de Paris. J'ai dégusté des assiettes de poissons, parlementer avec les clients, négocier avec des sourires et des vins blancs bien secs. Du bonheur, je ressens encore cette chaleur sur ma peau, le soleil et ses bises d'hiver à travers les vitres. Je suis lasse de ce gris hivernal, plus encore de ce froid piquant.
Et puis depuis hier, cette fièvre, une poussée soudaine, un épuisement soudain. Plus d'énergie, je me suis écroulée, ratatinée sur moi-même, incapable de la moindre émotion, comme si mon corps était en économie globale. Désolée de ne pas exprimer plus de sentiments pour ma compagne, pour lui glisser un bisous fiévreux dans son cou parfumé, désolée de ne pourvoir faire autre chose que dormir, brûler les draps à certaines heures, rejeter la couette, pour plus tard grelotter avec deux couettes rajoutées, le paradoxe du mal-être corporel. Je hais cette situation, ce passage lymphatique proche de la mollesse extrême, cette sensation involontaire de me mouvoir comme un mollusque lent. Amorphe, réduite à un néant, je pensais écrire, mais finalement après ce thé, ce regard dehors qui m'a épuisé, je retourne dans le lit.
Humm, son parfum est là sur son oreiller, je me l'approprie, pour me rassurer, pour l'attendre encore quelques heures avant son retour.
Nylonement