Aujourd'hui je marche, je me lève de ce fauteuil design, je quitte mon bureau pour traverser les locaux de mon entreprise. Petit idée, devenue grande, ayant trouvée son marché, j'ai lancé un premier produit dans un concept-store avec la boule au ventre. Les premiers clients je les aurai embrassé pour les remercier de croire en nous. Les ventes ont grossi, les murs ont grandi, les salariés se sont multipliés. Mes horaires n'ont jamais cessé d'être à rallonge mais la fatigue était celle d'une réussite après les doutes des premiers mois, des deux premières années. Même si des débuts à tout faire, j'ai dû déléguer, me tromper sur certains recrutements, me relancer pour passer de nouveaux paliers, pour vendre d'autres produits, pour les créer et les faire produire. Toujours avec le même cahier des charges, maximum local, à un prix compétitif, avec un label Made in France bien réel. Car derrière ce simple concept marketing, il y a un environnement de travail, un écosystème comme diraient certains blablateurs, le plus souvent dans la paroles que dans les actes. Oui un ensemble de petites et moyennes entreprises capables de se comprendre, de se porter pour lancer une nouvelle gamme en quelques mois, assez solidaires pour se serrer les coudes pour supporter les premiers budgets engagés, avant d'obtenir les premiers retours financiers. Mais tout cela vit avec une belle stabilité.
Je suis devenue la directrice générale le titre de PDG me paraît trop pompeux, trop français aussi, surtout depuis notre développement à l'international, après à peine cinq ans d'existence. J'aime toujours autant cette ruche d'idées, de personnes impliquées et d'échanges pour toujours innover.
Avec mon premier vrai salaire, au bout de vingt six mois, j'ai succombé à une folie, une paire d'escarpins de rêve, un petit bonheur symbolique. Ceux que je porte aujourd'hui pour aller à cette réunion, moitié dans cette grande salle, moitié en vidéo-conférence avec les quatre autres bureaux internationaux. Nos derniers salons ont enclenché des opportunités de reventes nouvelles, démultipliant l'offre et en retour une demande bien réelle. Nous devons faire un point sur cet équilibre entre production, stock, demande et surtout qualité, car nous sommes dans le haut-de-gamme, en frontière du luxe. D'ailleurs nous pourrions franchir cette limite, pour aller plus loin mais avec d'autres codes, d'autres valeurs, une qualité renforcée dans les finitions, dans le contact avec les clientes. Je suis sereine pour ce moment-là, mon équipe avance avec les mêmes objectifs. Mes doutes sont toujours sur notre pérennité, sur le temps pour devenir une marque reconnue du secteur, innovante et incontournable. Je pense à mon père, qui avait ri, m'avait charrié en me faisant le premier chèque pour me lancer. Mimant ma réussite et ses excès, mimant la déconfiture avec encore plus d'excès pour me rappeler la réalité d'un long chemin. Son investissement n'a jamais été perdu, doublement consommé mais rentable car nous offrons un totale indépendance envers les banques. Sans cette pression supplémentaire, notre modèle économique est viable maintenant, mon père peut rire, me voir gambader en tailleur gris perle, loin de la salopette des débuts pour réceptionner les livraisons, débarrasser les cartons stockés parfois dans son garage. En fait, je suis fière de l'avoir rendu fier. Quel bonheur, une pensée positive avant de pousser cette porte, de me lancer dans cette réunion. Son soutien moral était bien plus fort que les milliers d'euros. Si importantes nos discussions sans fin certains soirs de semaine, les jours de doute, où il ne me donnait pas de réponses, juste un avis, parfois empli de malice, juste un éclairage différent pour mieux apprécier mes paramètres pour me décider ensuite. Merci !
"De toutes façons, ma fille, ton cerveau te servira encore plus que tes longues jambes à conquérir le monde."
Nylonement