Mon quotidien était celui de tant de gens, de tant de femmes et d'hommes. Une routine entre famille, enfants et boulot, avec les transports en supplément, trop de kilomètres en voiture mais tant de perte de temps dans les trains et autres bus, j'avais changé de job, oubliant l'hôpital pour devenir infirmière à domicile à mi-temps. la seconde moitié de mon temps était pour ce nouveau dispensaire ouvert dans notre village, à l'usage des citoyens des petites communes environnantes. Des médecins, des psychologues, deux dentistes, deux autres infirmières et notre nouveau pôle fonctionnait bien. Avec le temps, j'ai abandonné les domiciles à une nouvelle infirmière, pour basculer vers un autre bonheur, une maison d'hôtes du vendredi au lundi. Notre maison ancienne avait retrouvé son lustre d'antan, après un an de travaux. Je pouvais chiner dans les brocantes des meubles pour les chambres, donnant un style romantique à l'une, un style plus chic bourgeois à l'autre, organisant la salle de détente avec des fauteuils club de toutes époques. Une bibliothèque recueillait de nombreux livres trouvés dans les dépôts Emmaüs, à disposition des premiers clients durant leur séjour. Des liens nouveaux avec des personnes de passage, des visiteurs enchantés par notre région. Majoritairement des retraités en duo, mais aussi des petits-enfants durant les vacances, des couples amoureux, des couples d'un jour cherchant un endroit pour le confort d'un lit sans se soucier de la météo, nous avons vu tant de monde passer ici. Certains soirs, nous faisions des plats locaux, des plats traditionnels et familiaux. Avec les vins des viticulteurs des environs, nous avions toujours un petit stock et les adresses pour satisfaire les clients amateurs.
Un jour il y a eu ce week-end prolongé, avec une pluie incessante, un ciel gris, du vent, beaucoup de vent. Nous avons fait un feu dans la cheminée du salon, pour réchauffer les coeurs tristes de ne pouvoir faire des balades, pour lire en grignotant thé, café et petits gâteaux. Des clients pris au piège mais heureux d'être dans notre belle demeure. Et ce couple qui proposa de danser. Une idée souriante, quelques minutes de confusion pour pousser les tables basses et fauteuils, et le temps de trouver des disques, oui des vinyls, de danses de salon. Après quelques tâtonnements, quelques pieds écrasés, tout le monde a suivi ce couple de danseurs. Des amateurs très éclairés, passionnés de corps à corps enchantés, de cette liaison de force et de souplesse entre deux personnes. Ce jour-là, j'ai compris que ma vie changeait. Une drogue venait de me piquer le coeur, le corps entier en vibration malgré mon niveau de totale débutante. Mais dans ces bras inconnus, j'ai ressenti l'espace si différemment, ma silhouette a quitté son aspect recroquevillé. Femme et même féminine, j'ai senti un plus à changer ma position, à me redresser, à jouer de mes jambes, à faire l'harmonie avec mes bras, à laisser ce tout s'enivrer. Une découverte, une révélation complète.
Depuis ce jour, j'ai changé de vie, je me suis révélée dans cet art du bien-être. Pourtant les premiers cours ont été épuisants, avec cette fatigue qui attise le doute pour poursuivre, mais j'avais aussi les effets de l'addiction, pour continuer. Ce plaisir après la souffrance et quelques douleurs dans les jambes, des contractures dans le buste. Ce plaisir de m'envoler, de voler au-dessus du sol, de partir ailleurs pendant quelques instants. Ce plaisir si intense qui me fera revisiter ma vie amoureuse, quitter mon mari, partir un peu plus loin, pas trop loin avec mes enfants déjà grands. Et surtout plus proche de ma salle de danse. Mais aussi en stage en Argentine, là-bas pour simplement vivre le tango. Respirer le tango comme un art de vivre, une passion entière. Mon corps s'est adapté, ma vitalité vient de ces moments sportifs, de ces instants de lâcher-prise total. Une nouvelle vie !
Tango hypnotique
Une nouvelle vie gorgée de sensualité, de robes fluides sur mes courbes, de talons hauts toujours à mes pieds, comme une part de moi.
Nylonement