Tout a commencé avec une paillette, une robe noire, des flûtes de champagne, dans une soirée entre amis, une terrasse d'été, des politesses, je n'étais pas très à l'aise, loin de mon univers, de mon métier de chiffres et de totaux. Mais relation de relation, j'avais été invitée pour le rencontrer, notre hôte, cet homme discret qui ressemblait plutôt à un serveur avec son plateau et sa bouteille de champagne, loin de l'image que j'en avais fait.
Naturellement, je parlais avec deux personnes déjà croisées lors d'un vernissage photo, d'autres vaguement présents à des soirées burlesque où j'étais le plus souvent happée par les paillettes, les jeux de scène. Il faisait beau, Paris vu du ciel, vu du haut de cet immeuble, une vue imprenable, des bulles de champagne.
"Vous souhaitez des tapas, il faudra contourner les cheminées, mais rassurez-vous, sans monter sur les toits, mais simplement avec vos talons forts jolis."
Il m'avait surpris, d'un regard il avait dû faire le tour, de haut en bas, de ma robe d'été en liberty, de mes escarpins à bride, les dernières soldes, des compensées si attirantes. Et je l'ai suivi en passant entre les cheminées, d'une terrasse à l'autre, entre des groupes qui discutaient de vacances, de mode, des bribes, des mots et au final ce buffet.
Et là, en croquant des mini-nems fraîches au parfum de basilic, des cubes de fromage, il m'a surpris encore en trouvant une paillette sur moi, d'où venait-elle, j'ai ri de sa surprise, de cet éclat minuscule sur le bout de son doigt.
Nous avons tourné autour, toute le reste de la soirée. Mon amie, Elisa, celle qui m'avait fait venir ici, passant, m'embrassant, repartant vers d'autres gens. Et nous parlant de mode, de paillettes, de soirées burlesque, de costumes, de rêves, entrecoupés de rires, de rares silences, de souvenirs d'enfance que je n'avais confié à personne, même pas mon dernier prince charmant. Avec lui, je libérais des envies, celle de poser en photo, de me montrer, de me comprendre, de jouer avec ce paradoxe. Il m'a emmené sous une pergola, des citronniers, des jasmins, des fleurs fines, des parfums, une vue sur la nuit, les lumières, tout le monde prenait place dans les coins de cette terrasse. Une douceur, un calme, des bruits de bouchons de champagne, des mots encore. Moi, plus ouverte par son écoute, par son charisme, par sa proximité, cette délicate empathie envers ses amis, envers moi.
Oui, de ce corps auquel je ne crois pas, de cette image dans mon miroir ikea, dans mon studio, je doute de ma féminité, et pourtant. Lui m'a écouté, me proposant un limoncello frais, la chaleur de la nuit d'été, des macarons au yuzu, au citron et au pamplemousse. Agrumes, entre acide et sucre, je me retrouvais, et j'avais envie de lui dire, oui, de me justifier, moi si discrète, si introvertie, surtout pour parler de moi.
A lui, inconnue, loin de toute prétention de séduction, j'avais envie de le dire, de le crier presque. J'avais envie de jouer à la princesse, en me glissant dans des robes, des bustiers, des jupes de tulle. Des photos, notre sujet de départ, cette paillette, la possibilité fortuite d'être une autre face à lui, photographe. Nous avons parlé toute la nuit, jusqu'au petit jour.
Nous étions là dans son salon, à l'abri, les autres étaient partis, discrètement, des aurevoirs, des bises, et toujours cette envie de lui parler de moi, de mon corps, de cette relation, en feuilletant ensemble des albums avec des clichés au féminin. Tant de styles, tant d'opportunités de m'exprimer enfin. Un déclic.
D'autres déclics ont suivi depuis, devant lui, devant son objectif, des tenues, des ambiances et toujours cette confiance, cette complicté. J'aime tant ce jeu complexe où je me révèle et je suis une autre, à moins que je ne sois moi-même à ces instants-là. J'explore ces bulles le temps d'une pose, je me vois ensuite, je me découvre.
Nylonement