Partir, quitter cette maison sans se retourner pour ne pas souffrir encore un peu plus, ouvrir la porte de la voiture, le contact du métal froid, ressentir.
Oui, aujourd'hui, sans un regard, j'ai fui ce lieu, comme on fuit un enterrement avec l'espoir que ce ne soit qu'un rêve. Mais là derrière cette façade de verre, dans une chambre, elle est là. Le verdict a suivi les premières altérations de sociabilité, plus clairement, ses instants où elle perdait le contact avec notre monde.
Mémoire, mais plus encore repère de sa vie, de son corps, des éxigences de son corps, pour se nourrir, pour se tenir propre. Vieille, je ne sais pas, elle a toujours été là, et moi à côté, mais comment comprendre ce lien cette souffrance par manque de ce lien. Oui, un jour j'ai compris, j'ai demandé, je me suis informé et devant moi le médecin a lâché "alzheimer". J'étais seule à entendre, son comportement était devenu sourd, sans reflet dans le miroir de cette parole brutale.
Des semaines à réfléchir, à ne pas y croire, à ne plus y croire, à l'aider, à vivre à côté car oui, le pire est de ne plus être sa fille, mais juste une aide, un soutien. Un trait total sur notre famille, notre existence, nos souvenirs. Plus rien !
De la haine aussi car la fatigue complique tout, et puis toujours cette envie d'y croire encore, de foncer vers le moindre signe, en fêtant son anniversaire, celui de mon père décédé, son mari, de parler du chat, des voisines, de tout, d'absolument tout dans un vide incroyable, affolant parfois.
Des larmes car rien de remplace les émotions, et parfois justement elle montrait un sourire, un bonheur qui me transportait durant des heures. Car dans sa maladie, il ne peut y avoir d'espoir, mais des lueurs de son humanité.
En s'accrochant à cela, je l'ai soutenu, avant de prendre la décision la plus amère, celle de la quitter. Aujourd'hui elle est entre les mains de personnes habilitées pour la traiter, l'aider, l'accompagner.
Là dans le rétroviseur, cette maison spécialisée derrière moi, je la vois encore comme passagère, elle si élégante, si féminine durant mon enfance, durant mon adolescence, où elle m'a transmis les codes de respect, de la mode, de la vie souriante. Je souris voyant les vitrines de soldes, celles que nous faisions rituellemenet chaque saison ensemble. Arrêtée au feu devant cette boutique, je souris de mon reflet, du vide à sa place, une larme coule.
Nylonement