L'automne est arrivé, il pleut, les baies ouvertes d'habitude sont restées closes ce matin. Chemin faisant pour garder la santé, j'ai pris les petites ruelles, pavées encore pour certaines, afinde flâner dans l'attente d'un coin de ciel bleu et j'ai fini dans ce café, derrière la vitre. Noyée de gouttes, mon regard est troublé pour voir exactement la rue.
Des mamans qui rentrent de l'école après avoir déposés leurs enfants, des livreurs qui bloquent la rue, hurlent leur bonne foi en déchargeant des cartons devant une boutiquede mode, des étudiantes serrées sous un parapluie, des seniors qui marchent avec leur baguette dans un sac, retournant vers un appartement vide, je suis chacun de leur parcours. Et cet endroit à un autre sens, celui du manque, car c'est ici que nous venions nous serré, pour boire des chocolats viennois, pour étaler nos découvertes durant des après-midi à chiner dans le quartier. Des livres le plus souvent, des fripes parfois pour elle, pour moi, pour nos petites filles qui nous accompagnaient à leur adolescence pour trouver la pièce unique qui les ferai briller aux yeux des autres. Des boîtes vintage, de toutes les tailles, des livres encore, nous déposions nos trésors sur la table, et nous parlions de nos trouvailles. Parfois nous sillonnions ensemble les boutiques, parfois tel des corsaires, nous partions chacun de notre côté pour ne pas dévoiler nos sources, pourtrouver la merveille avant l'autre, pour découvrir d'autres contrées de chine dans ces rues restées intactes, sans la modernité néfaste des chaînes de boutiques normalisées.
Que de bonheur, de bazar, de choses trouvées pour rien, de choses revendus à la brocante suivante, mais nous aimions ces instants-là, ce café, en toutes saisons. Elle me manque, une larme sort de moi, mon mouchoir blanc de coton l'attrape, son parfum est enocre là. Chaque début de semaine, je mets un peu de son flacon sur ce carré blanc. Un signe de paix, une présence toujours avec moi, je suis éternellement amoureux d'elle, de son fantôme parfumé.
Je lis, car c'est un livre de ses piles entassées dans notre boudoir commun que je lis, pris au hasard. Polar parfois, document aussi, roman souvent, français ou étranger, je lis, comme pour lui laisser entendre en moi, les pages qu'elle n'a pas eu le temps de finir. Une complicité qui traverse le temps, les âmes. Un jus de pamplemousse frais, je regarde encore la rue, les autres femmes, jeunes ou moins jeunes, mais mes plaisirs d'esthète semblent éteints eux aussi. Mon coeur ne bat plus que pour survivre à ce manque, mais aucunement pour une jupe légère, pour des talons sautant au-dessus des flaques, pour un manteau court sur des jambes délicates. Je ne vois que d'autres personnes, mais sans cette étincelle, sans elle.
Mon verre est vide, mon regard aussi, je me lève pour traverser le coin, sans envie d'achat, sans envie de fouiner, car un nouveau trésor sans elle serait vide de sens. Je souris en passant devant cette devanture, des macarons, notre pêché mignon.
Nylonement