Toi, avec ce souvenir revenu par hasard hier, ce regard, cette présence, toi tout simplement dans ma tête.
Toi mon amie, fille d'une collègue de ma maman, rencontrée par hasard lors d'une exposition de peinture, ce premier regard, ce coup de foudre amical. Tu étais là, exquise dans ton petit tailleur si féminin, si chic pour un lieu où tout le monde frôlait les sculptures, avançait vers les toiles, se jetaient sur les petits fours.
Naturellement, tu avais cette élégance, cette matûrité avancée, car lycéenne tu aurais pu être plus décontractée, plus casual, et finalement, tu excellais avec ta chevelure brune, ces yeux si persants. Quelques pas, des talons, ta voix douce de future hôtesse de l'air, ton regard posé, tes mots justes, et soudain un vide, juste toi et les autres ailleurs. Oui j'aurai pu tomber amoureux, je l'ai peut-être été un peu d'ailleurs, mais il y a prescription, et uniquement de bons sentiments pour me rappeler encore aujourd'hui de cette première fois, de notre discussion comme des amis déjà, depuis cinq minutes, depuis plus longtemps.
Nous nous sommes croisés, appelés parfois, le téléphone coûtait cher, l'internet était un embryon militaire et universitaire, loin de nos pensées, j'ai dû t'écrire, te dire ce plaisir de te voir, de parler mode, de parler de tout d'ailleurs. Un soir, j'ai invité quelques amis, quatre ou cinq, une table, mon premier repas d'adolescent responsable, une entrée avec du saumon fumé, un plat au four, un dessert, et surtout du champagne rosé. Tu avais aimé ce détail, ce choix féminin et bienvenu à tes yeux. Nous avionsnotre permis, j'ai roulé vers toi, discuté avec toi en écoutant Daho, ton idôle. Belles soirées ou instants entre amis car oui déjà sans le savoir j'admirais ton allure de femme, de jeune femme au potentiel affirmé. Talons toujours, collant impeccable, jupe années 80, tes sourires, tes doutes, tes études aussi. Nous avons parlé de tout, puis la vie nous a emporté chaque côté de France, moi pour mon premier job, toi avec tes avions, ton mari, tes enfants. J'avais des nouvelles par ta mère, par ma mère.
Et puis un jour, j'ai appris que cette putain de maladie, celle que l'on veut croire ailleurs, ou pour les vieux ayant déjà vécu une longue vie, pour les autres. Ce cancer t'avait attrapé dans ses griffes, toi jeune, trop jeune, nous avions le même âge. Trop jeune, trentenaire, de jeunes enfants, ta vie que tu menais avec détermination, avec envie, avec sourires malgré cela. Toujours forte, toujours féminine, une silhouette soudainement atteinte, un corps en agonie, luttant sans force.
Laurence, tu me manques soudainement, cet éclat hier, un lien sans réel rapport m'a rappelé ces instants ensemble, mais plus encore ta beauté, extérieure et rare, intérieure et lumineuse. Toi, mon amie, tu me manques car je ne peux prendre internet pour te glisser des photos, des mots, des rires et des sourires, pour te dire, si fort cette amitié, ces sentiments forts, cette admiration. Tu n'es plus là, partie trop tôt, trop loin.
Toi, mon amie, tu étais une petite femme, au coeur d'or.
Nylonement
Octobre rose 2014