Mes mains entourent la tasse, se chauffent du halo chaleureux de la porcelaine. J'aime cette sensation douce, comme une présence charnelle, la sienne, même si il me manque aujourd'hui. Pas de départ, pas de rupture, mais juste une vie commune réglée entre nos deux vies séparées. Ma mère ne comprend pas ce point-là, elle qui a vu partir son mari pour une jeune femme, fuir l'éducation de mon frère et moi, la laissant lâchement à son triste sort. Autant elle semble apprécier cet homme avec lequel je vis, pour sa présence, sa discussion et l'amour qu'il me porte. Autant elle doute, aussitôt la porte refermée sur la durée de ses sentiments, il devient alors juste un mari volage, qui se permet une aventure, une nième aventure avec une autre, en l'occurence sa fille. Et moi, je suis là, sure de ses paroles, de son amour, de nos sentiments communs.
Mais voilà, il vit avec la mère de ses enfants, le reste de la semaine, presque tous les jours. Loin de moi, même si il reste en contact régulier, il jongle entre son tarvail, ses activités, les courses, le sport de ses enfants, les études de ceux-ci et la vie en famille. C'est ainsi, je le savais dès le début, il a été clair juste avant notre premier baiser. mais j'avais envie de vivre ses instants, sans réfléchir, sans croire à rien, juste vivre ce bien-être soudain, cette pulsion si forte en moi.
Et aujourd'hui, je ne regrette rien, même si le temps a passé, posant des jalons sur nos envies, déterminant un passé, un présent et un futur flou. Il a, j'ai, nous avons pris conscience de notre réelle passion l'un pour l'autre, de cette bulle magique qui nous entoure à chaque rencontre. Insaisissable énergie autour de nous, rythmée par nos battements de coeurs, autant durant nos discussions que durant nos silences.
Il me manque, je lui manque, nous n'avons pas à le répéter, pour en souffrir un peu plus, nous dégustons les moments complices, et les démultiplions ensuite en pensant à l'autre. Même si avec le temps, je l'aimerais plus souvent près de moi, le soir, la nuit, le week-end pour me blottir dans sa chaleur, pour sentir son parfum. Ce n'est pas un choix, c'est lui. Et je dois vivre avec la contrainte qu'il a décidé d'avoir en restant auprès de ses enfants encore trop petits pour une séparation définitive.
Je hume le thé, nous avons les mêmes pots, les mêmes effluves pour nous énivrer de ce bonheur-là à distance, comme un trait d'union. Virtuel lien et tasse matérielle, nous aimons boire notre thé pour sentir la présence de l'autre. Un sms, des mots d'amour, je regarde son dernier cadeau posé sur la table, des attentions qui marquent notre vie. Nous nous verrons prochainement, je n'attends pas, du moins je ne me focalise pas trop sur le jour, les heures, les minutes.
Demain, un autre jour, je serai avec lui, demain encore, je serai totalement avec lui. Nous serons libres de nous aimer, de former un couple au quotidien même si nous sommes déjà un couple, et que nous ne nous cachons pas pour le vivre. J'aime cet homme, intégralement, et lui aussi m'aime, et si ce chemin est plus sinueux pour tout partager, que celui d'autres couples, nous avons pris le soin d'y laisser des petits cailloux qui marquent notre passage. Nous suivons toujours cette belle étoile qui nous guide, nous éclaire quand nous nous serrons forts dans nos bras, nous nous embrassons.
Je ferme les yeux, le thé parle avec ses arômes, je le sens tout proche. Je suis heureuse ainsi, et de son côté, devant son clavier, lui aussi boit un thé, dans un mug, avec moi à ses côtés.
Nylonement
Octobre rose 2014