Assise dans la voiture, face à la route, entre camions et fourgonnettes, dans le flux de ce vent chaud, la fenêtre ouverte, je roule. Un rituel, une habitude, une routine, chaque été, presque à la même date, en cette fin de juillet, je prends une journée pour filer sur le macadam.
Etrange cérémonie avec la même station-service, quasiment les mêmes têtes, le même sandwich, le même arrêt-pipi, le même temps lourd, cette chaleur lourde, un poids sur mes épaules. Je redémarre, je file, je change pas d'itinéraire même si il y a des travaux, car à chaque endroit, là encore, je revois ces lieux communs à notre parcours. Son village, sa maison de famille, cette petite rivière où je venais avec elle, mon frère, mon père et quelques cousins. Un pont de pierre, du recul, un saut dans les souvenirs. Des chansons, un film de nos vies.
Là une place devant une église, un clocher seul sans son transept, disparu durant la guerre, conservé ainsi, des prés, des vaches, des nouvelles maisons, je perds mes repères, des lieux un peu différents depuis mon enfance, des boutiques fermées en centre-ville, un café désuet, un nouveau supermarché à la sortie de cette ville de province. Une pause, les portes ouvertes, pour lui parler. Là devant ce cimetière, où elle repose depuis trop longtemps déjà, assez pour ne plus être de la famille, oubliée de mes enfants, oublié de nos repas. D'ailleurs même moi, je n'ai plus le coeur à venir ici, je suis un peu perturbée chaque année avant la date qui l'a vue partir, mais aussi ce manque soudain en moi. Des larmes, oui, grosses, chaudes, lourdes et déjà, comme à chaque fois, j'attends sa main douce sur mon épaule, ses paroles et son mouchoir de coton blanc, son parfum.
La chaleur ramène des parfums, des herbes chauffées par le soleil, le foin, des feuilles, un brin de chèvre-feuille, des lavandes inconoclastes ici, des fleurs, de la verdure, elle qui est là, presque là. Je me tourne pour saisir le bouquet de fleurs blanches, une tradition de son vivant, une lubie qui faisait battre son coeur, si fort quand toute petite, avec mes sous, ceux de mon papa aussi un peu sans doute, de ma petit voix, je les prenais chez la fleuriste. Et ensuite avec une fierté sans commune mesure, je lui donnais en rentrant dans la cuisine où elle préparait le repas de son anniversaire. J'aimais sentir ses jambes, ses bras, son tablier sur sa robe toujours si simple et féminine. Je pleure en faisant les derniers pas au-dessus de cette pierre de granit. Je pense fort à elle, juste aujourd'hui et tant d'autres jours, je reste fière pour elle, je garde cette force comme elle me le montrait. Maman tu me manques, aujourd'hui, hier et demain.
D'une main, je sors le mouchoir, j'essuie mes larmes, je lève les yeux au ciel, et je t'envoies des bises. Elles s'envolent dans un souffle de vent.
Malgré les mots, malgré chaque jour un peu de romance pour décrire les féminités,
je dédie ce texte à toutes et tous, qui n'oublions pas nos proches,
partis un jour, dans nos coeurs toujours.
Nylonement