Incroyable sensation que ce visage dans le miroir, ce flou qui l'envahit toujours un peu plus.
Comment croire en cette figure devenue molle, incertaine dans ses limites, comme un maquillage qui aurait oublié son étiquette waterproof, pour fondre et dégouliner.
Je me regarde, je m'estompe dans un nuage lumineux qui n'est plus moi, un verre à la main, en pensant à mes somnifères. Oui une vie qui dégringole, pourtant tout va si bien, "tu es si souriante" pour les amies, "tu es si disponible, si investie dans ton job" pour ma patronne, "tu es si femme" pour mon compagnon. Sauf que je ne vois plus, je m'aperçois à peine, oubliant mes repères, volontairement ou non. Un coton intérieur, du chloroforme psychique qui annihile mon être.
Mon enveloppe, mon corps sont encore là, froid sur la moquette chaude, je me love dans un coin du canapé, je regarde dehors, il fait beau, des rayons du soleil gratuitement qui embrassent mes bras. Mais au-delà de mon regard, je ne ressens rien pour ce tout, juste un poids énorme, une envie de glisser plus loin encore.
Et si il me quittait enfin, et si je l'aimais encore. Mais pas lui.
Comment le comprendre, comment lui crier, comment ne pas être raisonnable pour mieux l'oublier. Mais je n'ai pas envie, il est à moi. Pas d'imparfait dans mon cerveau, même si il avait des défauts, je l'aime. Rage ramollie, je pleure sans larmes, je le déteste si peu, malgré son départ, malgré sa traîtrise, malgré cette femme. J'erre dans moi-même.
Une dislocation, un bout de banquise à la dérive, sans but, sans quai d'ammarage.
Je repense à cette dernière soirée, entre relations, pour le travail, des conventions, des robes noires, un atmosphère discret d'un grand restaurant, là où je deviens "la femme de". Courbettes et sourires, mots dilués dans des banalités, une mer de non-volonté, du champagne, le menu, un repas sans saveurs.
Rien ne sortait de lui, plus rien et pourtant j'ai voulu l'atteindre encore, le provoquer encore, lui montrer que mon corps avait envie de lui, là sans cette longue robe noire. Rien.
Des instants calmes, honteux même, des mots, une froideur à l'égal de sa voix douce et chaleureuse, un coeur éteint comme les lumières du salon, juste le froid de l'entrée. Et pourtant c'était une fin.
Lendemain et jours suivants, je me suis effacée partiellement, j'ai vu disparaître sa présence. Tout en refusant encore cette fuite. Ecroulée, avachie, je me perds.
Pourquoi ce paradoxe, sachant qu'il ne mérite aucun pardon, que je le veux comme avant, et pourtant. La journée s'illumine, un brouillard m'envahit de jour comme de nuit.
Dormir, rêver peut-être.
Me retrouver.
Nylonement