En entrant dans le métro, un début de ligne pour une traversée souterraine de Paris, je lis un ouvrage passionnant sur les femmes, je vous en parlerai samedi d'ailleurs. Des femmes qui se sont engagées envers et contre tous, les mentalités, les cultures mais surtout contre les hommes de leurs époques.
La foule joue de ses marées, entrantes, descendantes ici dans un cycle sans lune, dans ce tunnel sous terre, presque sans fin, un jeu de flux et de reflux composés d'humains de tous âges, de toutes conditions sociales. On entre, on sort, on pousse, on se glisse, on court, on attend, on s'entasse aussi.
Là un carré de sièges, un carré de féminités en face de moi.
Une jeune femme quinqua, peut-être plus, cherche son journal dans un grand sac à main, elle porte de longs gants de cuir qui se cachent dans les manches de sa doudoune verte, elle cherche. Elle semble un peu perdue, croise et décroise ses jambes, dévoile au-dessus de ses bottes noires, un collant à chevrons gris, et plus encore une jupe en tartan rouge éclatant. Une touche d'élégance dans le gris de la rame. Un éclat de soleil et de mode, pour elle. Pour mon regard.
Deux jeunes pipelettes qui parlent ensemble, conversent aussi avec leurs téléphones, dont elles ont chacune deux exemplaires. Elles papotent et tapotent aussi sur les claviers, croisent leurs discussions avec les copines présentes de l'autre côté de la ligne, elles hypercommuniquent. Deux clônes, sauf la jupe rose pour l'une, indigo pour l'autre mais la même coupe, sinon le même collant opaque noir, les mêmes bottines cloutées, le même blouson doudoune brillant, elles ont dû faire les soldes ensemble. Ou elles sont jumelles ? Elles papotent encore, envoient des dizaines de sms, échangent des phrases incomplètes, bafouillent et parfois répètent quatre fois la même séquence de mots, pas vraiment des phrases. Etrange communauté câblée !
L'autre jeune femme est plus calme, avec un oeil sur le journal de sa voisine, ses écouteurs géants sur ses oreilles, les mains sur son sac à main. Un jean dans des cuissardes en cuir de couleur grise. Elles sont assez jolies avec un laçage, sur le côté, une belle hauteur au genou, des talons fins. Un caban bleu marine, un pull épais en laine beige qui s'aperçoit, elle semble ailleurs.
Toutes voyagent le long de cette ligne, se voient, s'oublient, elles ont une destination, un travail, un futur job, une déception, une école ou un amoureux. Le temps défile, le paysage aussi, celui des stations et des publicités.
Aussi varié que les féminités.
Nylonement