Se tromper peut-être ?
Une foule de boucles encore légèrement humides, à moins que ce ne soit un effet incertain de gel, elle attendait emmitouflée dans son snood en laine épaisse blanche. Sagement avec les mains dans les poches de son manteau rouge, elle patientait pour prendre son train de banlieue. La pluie et ses fines gouttes encourageaient les têtes à se baisser, elle regardait son collant opaque, ses bottes cavalières à mi-talons, pour la grandir un peu, et sa jupe en guipure noire, courte, portée haut sur ses cuisses. Un beau choix de mode pour sa petite stature, une élégance simple mais pétillante avec ce carmin dans le manteau, elle était une jeune femme fraîche sur ce quai gris et triste.
Enfin, nous nous engouffrons vers les banquettes intérieures, au chaud, une coupure avec l’hiver qui est bien là. Installé et froid, il suinte de ses gouttes sur les vitres, il ne nous atteint plus.
Elle feuillette un magazine sorti de sa besace en cuir noir, elle tourne les pages avec empressement, sans envie de lecture. Le téléphone sonne, elle se connecte, parle à son oreillette. Le ton est incisif, direct. La personne reçoit des consignes, reçoit quasiment des ordres. Surprise, cette jeune femme, est un ogre déguisé, elle est remontée contre l’autre personne, ou plus exactement contre un autre tiers, mais le premier qui lui parle, prend pour celui-ci.
Le problème, je vous l’expose, c’est l’avantage de la téléphonie mobile, tout le monde habite avec tout le monde, semble être autour de la garde des enfants, un ou deux, plutôt deux mais de deux branches différentes, les joies des familles recomposées. Il faut gérer des agendas de quatre personnes voire plus pour un seul week-end avec bien évidemment les vieilles rengaines, les vieux restes de haines dues aux séparations, de jalousies et parfois simplement de paranoïa entre les intervenants.
La tirade est acide, celui-ci en prend pour sa journée, les phrases haineuses, perfides sortent les unes après les autres de cette bouche couverte d’un délicat rouge à lèvres violet. Elle siffle, elle devient troll maléfique si éloigné de sa frêle stature, de sa robe de dentelle noire. Elle dévore son hôte téléphonique, elle tronçonne tous les espoirs de douceurs qui pouvaient exister dans son image, du moins dans celle que j’avais d’elle.
Elle continue, elle lâche tout, elle ordonne encore, elle veut son week-end, comme un caprice, comme une femme libre, je ne sais, comme une femme amoureuse, je doute.
La discussion durera près de vingt minutes, la haine bouillonnera encore en elle, si impassible sur le quai, presque princesse, elle est un monstre aux dents pointus, avec des griffes sous ses ongles vernis rouges, est-ce finalement le sang de sa dernière victime ?
Je me recule, je me faufile vers une autre banquette, juste au cas où, soudainement, ses deux incisives deviendraient prohéminentes, qu’elle se retourne, en arrachant son si beau collant opaque, pour laisser apparaître des jambes velues, des pustules de troll, une queue avec des écailles, avant de me dévorer tout cru.
Les princesses de la mode ne sont plus.
Nylonement