Je suis calé dans la première rame du TGV, de bonne heure, il fait très froid dehors, l'hiver est encore là. Je cherche à dormir encore quelques heures avant ce rendez-vous, avant ces journées longues de conseil en management, pour faire évoluer les comportements de cette entreprise cliente.
Elles se glissent devant moi, trois femmes, d'âge différents, d'élégances variées mais assez chics. Elles posent magazines féminins, cafés, téléphones, sacs à mains, sacs de travail, puis leurs manteaux, en enlevant leurs gants, leurs écharpes. Tout se range et trouve une place dans ce train, où le rangement a été pensé par un ingénieur minimaliste.
L'une porte un pull entre corail et orange, doux au regard, sur une jupe en tartan rouge et noire, le tout sur un collant noir opaque et avec des bottes, ses cheveux bruns mi-longs la suivent dans sa installation près de la fenêtre. Elle sort son portable.
La deuxième, plus petite porte un chemisier blanc sous un pull beige, aec un col en V, un short en tweed si élégant, justement long, justement court, avec un collant opaque marron, des cuissardes ultra-élégante en daim gris. Elle pose son sac, cherche l'introuvable dans le rangement ou fouillis (rayez la mention inutile) qui le remplit. Saisissant son magazine et son café elle se place en face de la première. Elles ont la même couleur de cheveux.
La troisième, un châtain foncé, des reflets roux, un carré long, un sourire très bourgeois, adopte les lieux en regardant autour d'elle. Elle porte une wrap-dress, souple, fluide avec un motif bleu imprimé dessus, ses bottes en cuir noir laissent apparaître un collant chair brillant, rare en hiver. Elle consulte déjà ses emails, ses messages sur son i-machine.
La train part dans un silence rare, celui de la première classe, du petit matin d'hiver, dans la nuit encore présente.
Elles papotent de tout, de boulot, de nouvelles, de sujets d'actualité, d'économie, de shopping et soudain s'orientent vers les pilules. Elles racontent curieusement, rapidement sans aucune limite d'intimité, malgré ma présence, leurs choix. Pilule, stérilet, préservatifs pour celle qui a divorcé, attendu le prince pas chamant, mais charmeur. Tout défile, dehors sur les paysages encore nocturnes, dedans sur cette alerte avec les 3e générations, avec leurs filles, leurs copines, leurs soeurs, leurs mères, tous les âges donnent leurs avis. La pilule passe plus vraiment, les doutes sont là, les gynécologues sont débordées de questions, de demandes. Elles parlent de revenir à une vie sans hormones, oui mais pas sans sexe, oui mais sans grossesse, sans effets secondaires. Le cercle semble vicieux mais indispensable à toute liberté de vie pour les femmes actuelles, elles débattent.
Je sors de ma semie somnolence, je sors mon ELLE, mon FEMME MAJUSCULE pour la lecture et une pochette verte de chez Patrick ROGER, créateur chocolatier. Je m'installe à mon tour, elles aprlent toujours, puis un silence quand je porte à ma bouche mon premier chocolat, une merveille au citron, au basilic enrobé de chocolat très noir, un équilibre parfait.
Elles me regardent. Je les regarde aussi.
"Voulez-vous un .... une pilule au chocolat ? aucun effet secondaire, sauf de la douceur."
Elles rigolent, en tendant la main.
Nylonement