Matin d’été, je te vois, petite fille sur cette banquette de métro. Tu viens de te faufiler entre les Grands, vers ce duo de banquettes, avec ton papy et ta mamy. Ils parlent entre eux, tu t’assois sur ce siège, sans rien voir, sauf ces lumières, ces gens anonymes, souvent tristes aux premières heures de leur journée.
Tu gesticules, tu poses tes petites baskets roses sur le tissu, tu te mets à genoux. Là enfin, tu peux voir défiler les rails, la lumière cède au noir des tunnels, ton nez au ras des vitres. Des câbles, des montées et des descentes, le métro suit son chemin souterrain. Tes yeux son grands ouverts, tu profites de tout, des affiches avec des chaussures, des girafes et des personnes, des publicités. Un monde vivant, une autre station.
Tu demandes à Papy encore combien, tu comptes avec tes doigts des chiffres imaginaires.
Là tu regardes encore, tu parles à Mamy des visites, du petit déjeuner car vous vous êtes levés tôt, encore avec le décalage de ton pays d’origine, probablement les Etats-Unis. Tu trouves ton doudou pour te rassurer, il est accroché à ton sac à dos, un modèle pour enfant, avec des personnages de dessins animés. Une princesse, ta bouteille d’eau et ton goûter à l’intérieur, tu portes aussi ton sourire d’enfant, celui de la fragilité, celui de l’innocence. Nous rentrons dans une source de lumière. Deux quais, et sur l’un d’eux, une femme couchée à terre, qui dort.
Tu hurles ta joie, ta surprise, et demande avec toute ta fraicheur « Pourquoi elle dort la Dame ? par terre Mummy ? ». Tu ris, tu répètes face à l’indifférence de tes grands-parents. Presque gênés de cette situation, ils essayent de trouver les bons mots, ceux de ton enfance, d’une fausse vérité pour ne pas t’effrayer sur le monde futur des adultes.
Je souris face à ce mensonge, d’ailleurs que connais-tu du terme « clochard » sauf en pensant à ce chien amateur de spaghettis. Tu rêves, laisse ses jambes dodeliner de la banquette, en regardant le sol du métro. Tu regardes le magazine devant toi, c'est une jeune fille en collant et short noir, avec un haut violet, coloré comme tu aimes. Tu la dévisages, tu rêves d'être grande comme elle, peut-être ?
Puis cet homme qui te sourit en voyant cette petite fille qui lui rappelle les deux siennes, enfin une tranche du passé, ce moi qui écrit ces mots. Tu as des yeux ronds, simplement prêts à dévorer le monde. Tu te tournes, déjà lassée de ce voyage entre lumière et noirs tunnels, tuveut ton parapluie, rose avec Minnie dessus, tu chouines un peu.
« Encore combien de stations pour Paris ? » L’espace et le temps sont toujours relatifs pour les enfants. Tu te roules sur cette petite place, poses tes baskets sur la cloison du compartiment. Tu te cales dans le moelleux du pull de ton grand-père. Tu es bien, tu regardes encore les étincelles de lumière, ici et là, d’autres personnes qui entrent et sortent.
Tu ne te souviendrqa pas de la ville, mais dans ton cerveau avide de nouveautés, tu garderas le souvenir confortable de ce métro, de cette complicité avec ce papy chéri.
Tu reviendras, plus grande, habillée comme cette jeune femme, amoureuse dans la ville.
Tu bouges, tu vis, tu grandiras !
Petite fille, gardes ton émerveillement pour la vie !
Nylonement