Non, je ne serai pas là pour l'accouchement !
Etrange conversation entre le fromage et le dessert, à la table familiale, avec les beaux parents, quelques cousines venues voir le ventre rond de ma femme, mais les dimanches ont parfois la magie de devenir des foires à la déraison.
Cake Lingerie
Non, moi, homme du XXIe siècle, mari de surcroît d'une femme adorable et enceinte de huit mois, libre enfin jusqu'au début de ce repas, je crois en le partage des tâches ménagères, en mon plaisir honteux d'aimer faire le repassage, d'être un futur papa moderne, présent et gaga, mais je ne veux pas être présent dans la salle d'accouchement. Jamais je n'ai tant esperé, pour ne pas dire attendu, voire même prié pour voir apparaître la fameuse tarte tatin de nos dimanches en famille.
Je les adore, tant belle-maman avec ses petits plats délicieux et sa complicité avec sa fille, donc ma femme, durant toute la grossesse. Cette femme si souriante qui gouverne son couple, ses enfants, sa cuisine tout au long de l'année. Encore plus présente en devenant grand-mère pour la première fois. Mais moi aussi j'étais là, entre deux déplacements, toujours là entre deux nausées et encore là pour nettoyer après les vomis intempestifs. Je suis là pour croiser le regard de mon beau-père, l'homme caméléon qui réussit à prendre la teinte de tous les papiers-peints de cette maison, voire même de cacher sa bedaine dans une parfaite imitation de napperons bretons, et donc de disparaître quand on parle de naissances, d'enfants. Ce type est adorable dans son jardin, invisible dans la maison.
Donc là, avec mon assiette vide, entre deux cousines qui ne pensent qu'à faire des bébés, qui frétillent en parlant biberons et futures gardes du bébé, qui tricotent des layettes comme si nous attendions des triplés, je viens d'affirmer qu'il n'est pas utile, ni même indispensable d'être présent pour cette acte médical. D'ailleurs, je rappelle que les sages-femmes se passeraient volontiers des types qui tombent une fois sur deux dans les pommes à côté de la maman qui poussssssse entre deux spasmes de contractions, ou de ces autres types qui deviennent hystériques en voyant leurs femmes souffrir dans cet enfantement, et dégobillent en voyant l'entre-jambe devenue scène d'horreur.
Non, je resterai dans le couloir d'à côté, tendu comme un fil dentaire, impatient de voir l'avenir, prêt à saisir la main de ma belle, à voir mon fils ou ma fille pleurant sur le ventre de leur maman. Mais rien de plus.
Quelle idée bizarre ? Pour partager quoi d'ailleurs en étant présent. Je ne sais pas où est ma place, en référence à plusieurs milliers de générations d'hommes et de femmes qui ont partagé ou non cet fameuse naissance. Je suis un homme, mais je me sentirai inutile, encombrant même. Est-ce que le bébé naît de sa mère uniquement ? de sa mère et de son père ?
La tarte tatin arrive, les yeux sont encore sur moi, et soudain un miracle, elle se lève, vient vers moi, m'embrasse, pleure un peu. Je la rassure, pendant qu'elle me glisse dans mon oreille droite "je perds les eaux, tu mangeras la tarte plus tard."
Nylonement
PS : ceci n'est que fiction... je suis réellement papa, et j'ai été présent pour aider dans la respiration, dans les contractions et pour partager cette magie incroyable que fûrent les naissances de chacun de mes enfants.