Voilà deux jours, deux nuits surtout que je ne dors pas, ma fille m'annoncé qu'elle était enceinte. Seulement voilà, elle vient d'avoir quinze ans, elle sera maman dans moins de cinq mois, elle est trop jeune.
Je suis chamboulée, je ne veux la juger, je l'aime tant, mais voilà qu'après des années de maman solo, je me retrouve grand-mère et surtout mère d'une adolescente qui croit devenir maman, mère malgré son âge. Elle a oublié sa tête, elle a oublié sa pillule, je l'ai engueulé à propos du sida, j'étais furieuse, j'ai été une maman cool mais présente, sécurisante et ouverte à tant de sujet, mais quand même, merde... pourquoi !
Elle vient de me le cacher, de chercher elle-même un sens à cet acte manqué, car bien sûr le "père" n'est qu'un géniteur queutard, éloigné de toutes responsabilités, de toute conscience. Alors depuis deux jours, je cherche à comprendre, mon médecin m'a recommandé un psy, bien sûr et payé par qui monsieur ? Oui le monde devient fou, mais l'argent disparaît trop vite, le système nest plus là pour répondre à mes questions. Je me sens seule, elle aussi.
Alors nous avons décidé de devenir la future famille, de nous serrer et non de nous dissocier. j'ai mal, j'ai mal partout de rajouter cela à ma charge de mère solo, à mon maigre salaire. Mais on va gérer, elle va gérer son choix de le garder, de s'en occuper, de finir ses études à domicile, de chercher un jour un boulot, de partager nos revenus. On va y arriver dans notre hlm miteux, avec son escalier mal éclairé, l'ascenseur en panne tous les trois jours, l'odeur d'une saleté ancrée dans les murs. Je vais dormir dans le salon, elle aura ma chambre plus grande, puis une pièce pour la petite. On va s'arranger pour les petites choses, les vêtements, les mamans du coin vont nous trouver tout. La solidarité existe encore, ici dans cette barre de vie morose.
Oui, je serai grand-mère bientôt, ma fille sera heureuse, ma petite fille aussi.
Mais ce soir, je ne dors pas, je lis, je cherche un coin, un réconfort, une sensation pour me donner une bulle de douceur. Je suis lasse, mais je retrouve le sourire, j'ai embrassé ma fille, nous avons parlé plus calmement de l'avenir, de nos engagements à tenir, de la vie, à deux, à trois. Je lui dis de faire attention à elle, de devenir grande un peu plus vite, et de dormir avec son doudou encore un peu.
Moi, je n'ai plus de doudou, je me câle contre l'oreiller, je pense à elles, à moi, à cette vie dure, mais je souris, car du peu que nous avons, nous arrivons à faire pétiller le monde, à oublier le derrière de la porte. Je vais dormir sereine.
Nylonement