Mamie est une belle élégante, et je l'ai toujours vu ainsi.
Je l'ai croisé, elle m'a vu grandir, de mes premiers pas, de ces premières madeleines attrapées au hasard dans une boite en fer sur une table plus haute que moi, du bout des doigts, d'un délice fondant et onctueux dans ma bouche d'enfant. Incroyables souvenirs qui salivent encore sur ma langue, un bonheur ignoré en grandissant, encore plus en étant adolescent et sûr de tout. Oui j'ai grandi si vite, j'ai pris de la hauteur dans ce monde, je suis partie, je suis revenue dans ce monde qui changeais de dimmension. Ma cour d'école, celle où je courais si vite après les copines, après le ballon, si immensément étendue, elle est petite maintenant quand je passe pour mon footing. Je souris.
Et Mamie est toujours là élégante, sereine dans son appartement, libre de se déplacer, de croiser des amies, plus rares, les dernières, mais toujours avec un petit gâteau et son thé préféré. "Le docteur me réduit le sucre, mais la vie qui reste est réduite aussi. Alors je croque du chocolat, sans lui dire" dit-elle en rigolant, espiègle de ces moments à elle, avec moi. Oui j'aime cette Mamie qui a traversé les guerres, la mode et sa féminité avec elle. Vie de bohème, vie de tristesse, vie silencieuse durant les années noires, vie d'opulence dans les années 50-60, avec une euphorie qu'elle ne voit plus, avec lucidité sur son monde actuel. Elle a vécu, croqué la vie et parfois même les hommes, elle était libre, avec son statut d'avocate. Elle a aimé ses voyages, ses enfants, ses petits-enfants, et tant d'amies et d'amis. Sa vie, elle ne la regarde plus dans le miroir, sauf avec un collier chic m'a-t-elle précisé, j'ai aimé la formule.
Un jour je suis passé la voir, avec ma nouvelle jupe H&M, lègère et plissée, courte et tendance, mon petit pull noir, elle m'a souri. Elle trouvait la jupe fort courte, elle m'a fait remarqué que mes bas étaient jolis avec leurs revers de dentelle. Comment savait-elle ? "j'ai le même regard sur ta féminité, que celui des hommes sur toi. Saches que moi aussi j'ai aimé me faire désirer, en temps voulu, ouvrant ma féminité, d'abord pour moi, un peu pour eux. Ma mode était mon caractère. Mes jambes, les mêmes que les tiennes, avec dix centimètres de moins, chère GRANDE petite fille, étaient le débt de leurs rêves, le symbole de ma liberté. Moi seule décidait de mes mouvements, courir ou laisser courir, marcher et fasciner avec deux coutures, jouer de longueurs variées, choisir ma vie. Tu es belle, croques ta vie, décides pour eux, savoures pour toi."
L'héritage le plus cher, fût après son retour de sa chambre, après ses mots, avec deux boites de bas de soie, vintage, et surtout l'étincelle brillante dans ses yeux, "pour toi, ma chère petite fille".
Ces photos merveilleuses sont l'oeuvre
d'un photographe passionné
ARI SETH COHEN
J'adore son univers plein de sensibilité,
plein d'amour
Nylonement