Marché St Pierre, temple des tissus, cinq étages de bazar, de matières, de soieries à tous les prix, de voiles et d’organzas des plus rêches aux plus soyeux, je cherche des idées pour les SATINBOX. Je viens de faire les boutiques de la rue du Fbg St Honoré, le luxe, pour sentir les tendances, pour comprendre les plissés, les drapés, les finesses, je viens ici pour décompresser. Soie ou satin, j’imagine déjà des modèles différents, des plissés avec des motifs, ou même un modèle au masculin, sobre, branché.
La foule n’est pas dense dans ce lieu, elle s’agglutine parfois, se défait, attend, papote beaucoup, touche les tissus, tire sur les rouleaux, cherche la bonne teinte, harangue les coupeurs. Un trio attire mon attention, trois femmes, elles se baladent, cherche des soieries comme moi, je les ai croisé à l’étage inférieur. Elles tripotent, elles regardent et discutent beaucoup dans un mélange de français et d’arabe.
La mère est enveloppée de son foulard, elle porte le poids des années sur ses épaules, un manteau défraichi, un pantalon, des vieilles chaussures, elle fouine, elle scrute les matières, des soieries avec motifs incrustés.
La première fille porte aussi le foulard, une couleur vive, moderne, qui se mêle à ses cheveux bruns, noirs si fins, si beaux avec leurs boucles. Des yeux en amande, un maquillage discret mais présent avec sa touche de rose sur les joues, de vert brillant sur les paupières, elle porte une tunique en soie bleue, sur un pantalon beige. De jolis talons, un sac à main, son long gilet sur le bras, elle aide sa mère, elle cherche des soies unies pour aller avec le dernier choix de celle-ci sur un motif avec des fleurs et des oiseaux. Les bouches crépitent de mots, je ne peux suivre le débat, mais elles argumentent, elles reposent, reprennent les rouleaux.
La seconde fille papillone, elle regarde des matières plus moderne. Elle a un sac de marque, un joli cabas en cuir rouge, des cheveux libres, bouclés, c’est une brune en liberté. Un foulard de soie est enroulé autour d’une des anses du sac, elle porte un pull long, une presque tunique, tombant juste après l’arrondi de ses fesses moulées dans la laine grise et blanche. Elle a enveloppé ses jambes d’un collant noir opaque, belles longueurs de muscles de cuisse, de mollets, et de fines chevilles posées dans des escarpins vernis noirs. Elle est plus à la mode, dans son époque. Elle propose des tissus, elle se penche pour saisir d’autres rouleaux.
Tout ce trio vit, échange malgré une évidente vision différente de la féminité, elles préparent de la décoration pour un évènement familial, je ne saurai pas le lequel, mes oreilles restent discrètes.
Elles se montrent leurs choix, chacune essaye d’imposer son choix, tant par le prix que par les combinaisons avec d’autres soieries, d’autres velours rasés, d’autres voiles fins et colorés. Les habitudes et les cultures se croisent, se heurtent, elles discutent fort.
La plus jeune s’arrête pour parler dans son smartphone à coque rose bonbon. Elle croque des fraises tagada sortant du fond de son sac. Les autres continuent sans elle. Chacune dans son monde.
Je me tourne vers deux mamies, elles choisissent du satin pour doubler des rideaux. Je récupère mon choix, une soie délicieuse, des rubans de larges dentelles pour des essais, pour customiser des guêpières pour une séances photos. Mon esprit est aussi en ébullition, je laisse les femmes, les féminités, les tissus, je retourne vers la rues, les pavés, le sacré cœur sur son mont parisien.
Le soleil sort entre deux nuages.
Nylonement