Non, il n'y aura pas d'atterissage, car je me suis crashée, totalement, intégralement répandue dans mon inconscience. Je gîs ce matin dans mes toilettes, dans une matière indéfinie, ignoble dans son parfum, j'ai dormi là. Après cette soirée de trop, d'ivresse et de vide dans l'estomac, et puis cette foule, des amies, des relations, ce type, cet ami qui m'a proposé de partager sa dose. Un coup de trop, de la poudre encore sur ce qu'il reste de ma robe à paillettes. Un bustier si chic, si cher, porté juste avec un collant opaque de couleur gris argenté, mes stilettos en vrac, là-bas dans le couloir qui me paraît si long. Je suis une loque collée sur le carrelage froid.
Quelle heure est-il ?
Quelle excuse vais-je encore trouver pour mon boulot ?
Où est mon téléphone ?
D'ailleurs comment suis-je arrivée là ?
Ah cette vie trépidante, ce métier passionnant dans les médias, dans la communication, je suis devenue un nom, un prénom même qui sertd e clef pour rentrer dans toutes les soirées de Paris et même de Londres. Mais la fête a été trop loin. J'ai pris des distances avec mes proches, j'ai largué mon mec, enfin il m'a largué un soir.
Sordide situation, j'ai plongé plus loin, dans plus de poussière blanche, si facile, si accessible, même si parfois je ne savais plus avec qui j'avais couché, j'avais somnolé sans savoir dans un lit ailleurs.
Un temps, j'ai joui de ce bonheur festif, de cette explosion programmée de mes fins de semaines, de mes milieux de semaine, de toute la semaine. Je faisais la fête, du moins je me choutais au gré de la pression des projets à rendre, des idées à trouver, des happenings de mes relations, des lancements des autres. Tout était sujet à une envie, à un besoin, à un dépassement.
Explosée je suis !
Me lever, clopiner car la bride de mon escarpin droit est toujours autour de ma cheville, mon collant en vrac, ma tête qui pèse une tonne, le roulis incroyable quand je suis debout. Je vogue d'un mur à l'autre, je me dégoûte et pourtant je baisse la tête en passant devant le grand miroir de l'entrée, je ne veux pas me voir.
Insupportable image de ma déconfiture, je ne suis plus une jeune femme branchée, je suis un déchet agonisant de sa propre bêtise. Un relent, je m'accroche à la porte de la salle de bain. Je vois l'ensemble flou qui compose ma douche. Un rideau glauque de moi , je m'avance au mieux vers l'eau, je règle, je tourne les boutons du robinet. Eau froide, eau chaude, je cherche, je me cherche dans ce brouillard assomant.
Là debout, sous la douche, je jette tout, ma robe à paillettes qui collesur ma peau, mon collant déchiré, ma chaussure, mon string, je suis là, nue, une ombre de moi-même. Rien ne ressemble à celle que je rêvais d'être. Brillante recrue, volontaire et déterminée, j'ai joué, j'ai perdu. Du poids, de l'énergie réelle, car les shoots ne donnaient qu'une illusion d'invincibilité. Je glisse sur le mur, je prends l'eau.
Je pleure, je hurle, je suis déçue par moi-même, par toyt ce que j'ai détruit malgré les appels des mes proches, de ma meilleure amie. Mais j'ai adoré me brûler, il y avait tant d'excitation. Encore de l'eau chaude, partout, elle coule. Après j'appelerai le bureau pour dire que je suis malade et je vais aller chez mon médecin pour une désintox. Je pleure sous le flot de ma douche. J'ai honte, c'est là le mal le plus profond. Et la peur du manque me taraude, celle qui me tentera les soirs sans espoir, sans coup de fil, sans sortie. Ce sera long !
Aussi long que cette douche, que cette odeur immonde qui flotte dans ce lieu.
NYLONEMENT
Textes de l'auteur de ce blog, librement inspirés
et sans aucun rapport avec les clichés originaux
du MAGAZINE GRAVURE
Photographe: David BELLEMERE
Modèle : Chloé NORGAARD
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Coiffeuse : Cécilia ROMERO
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