Léger vent d'automne, ce parc avec les arbres qui lâchent quelques feuilles rousses, je suis assise près de ce manège ancien aux chevaux de bois colorés. Mes petits-enfants tournent et essayent d'attraper les anneaux, tels des vaillants chevaliers lors des tournois ancestraux. Un oeil sur leurs joies, sur ce tourbillon de bonne humeur et de rires, témoin de la nostalgie entre les générations, ceux qui venaient ici enfants, devenus parents ou grands-parents, un autre oeil sur la mode qui défile ici, simples passantes. J'aime ce lieu authentique.
Elle se faufile entre deux groupes de touristes, avec son téléphone, apparemment en grande discussion avec une amie, en pleine refonte du monde, celui de la mode, celui de ses amies, celui de ses prochaines sorties. Elle parle, s'arrête, tourne sur elle-même pour trouver les derniers rayons de soleil, se plante enfin, là dans ce carré sans nuages. Belle capeline, longs cheveux, elle rayonne malgré sa tenue noire, ce tee-shirt court, "un crop-top, mamy" m'a dit l'aînée de mes petites filles, branchée sur la fréquence mode. J'aperçois le nombril, signature de cette génération, enfin pas tout à fait.
Certes j'aurai mis des sandales plates comme des tropéziennes, ou alors des bottes hautes avec cet automne tout proche, à mon époque. J'aurai eu des cheveux aussi longs, des tresses avec des foulards à fleurs aussi, le vent dedans pour montrer ma liberté de jeune femme des seventies. J'aurai pris une large besace pour mettre l'eau fraîche, l'amour étant dehors, là avec moi, des amies, des copains, des soirées.
J'aime sa jupe longue et fluide, qui marque ses hanches, sa démarche hésitante, comme en attente d'une rendez-vous. Amoureuse, libre, jeune femme libre, bien dans son époque, elle avance vers le banc, regarde, s'asseoit, prend un livre sans lâcher son mobile.
Je n'avais pas cette chaîne de communication avec moi,, mais ce pouvoir fou de faire des études, de quitter les cours, de parcourir la France et de dormir à la belle étoile. Rien ne pouvait m'arrêter, ni mon père parti, ni ma mère amoureuse d'un autre. La vie était une découverte permanente, une liberté de communauté en communauté, dans chaque région, un rêve éveillé. Mais j'ai aimé un homme, étrange circonstance, paradoxe de cette décennie, un militaire croisé dans une fête du 14 juillet, je suis rentrée chez moi, puis chez nous, pour avoir des enfants, pour devenir ce que l'on appelera plus tard une bourgeoise mariée à un officier. Libre certes, aimée, amoureuse, je fus une femme en construction et le meilleur, je l'ai donné à mes propres filles, mes belle-filles, mes petites filles.
Le temps passe, le manège tourne, les éclats de rires résonnent entre les bruits des feuilles, le chant des oiseaux. Elle n'entend rien, la musique dans les oreilles, elle pose avec la beauté de sa féminité, belle de élégante des temps modernes. Je vous espère aussi libre que moi.
Et si j'étais vous ?
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Nylonement
Octobre rose 2014