Sortirons-nous un jour de nos clichés pour un monde de réelle égalité ?
Parfois, je me retrouve seul, dans un bon fauteuil club, seul face à un monde que je ne comprends pas. L'écran s'éteint, devient tout noir, il fait nuit, le silence règne dans la maison, rien ne vient troubler les ronflements du chat.
Une boule noire qui varie de place sur l'échiquier de la maison, le soir proche de son presque maître (lui ou moi, je ne saurai jamais), le matin sur le bord de fenêtre pour voir les nouvelles du jour, pour prendre les premiers rayons du soleil surtout, l'après-midi souvent dehors, en rond dans un pot de fleurs, enfin sans fleurs car il a décidé que ce serait lui la décoration de cet endroit. Créature noir au miaulement ravageur, petit dieu de mon espace, il dort ce soir et ne répond pas à mes questions. Plutôt celles de mes enfants !
Pourquoi on inviterait pas la copine noire à la soirée ?
Je suis resté là, sans voix, car je ne pensais pas avoir bien compris, et ainsi est née une discussion, celle qui vient sans savoir pour devenir longue et argumentée, mais j'ai surtout essayé de comprendre pourquoi le mot "noir" avait son importance. Ma maison est ouverte, j'ai trois enfants, plutôt cinq d'ailleurs durant les week-ends et vacances avec les copines, les copains, les amis, les rencontres de tennis ou de foot, et ma réputation à faire des gâteaux au chocolat, des crêpes à toute heure. Mais là, comme la première fois que l'on a veut savoir "comment on fait les bébés ?", il y avait une seconde question dans la question.
Pourquoi une différence ais-je fini par demander ? Les mots sont partis de partout, de la soeur qui avait son avis sur la copine, du frère qui connaissait le frère de la copine, de ma fille qui était en classe et donc copine avec cette jeune fille. J'ai eu en quelques minutes, le descriptif de sa petite vie entre collège et vie sportive, des détails sur ses chaussures, ses vêtements, son sac et son chapeau. Que du futile mais si important pour des adolescents. Des ajouts avec commentaires des frères et soeurs, l'avantage d'une fratrie en plein repas du soir. Du bonheur, des mots à tout va, entre deux bouchées de viandes, de légumes, de danette. Un tri s'imposait car je ne voyais pas la différence. Toutes les autres copines sont déjà venues ici, les grandes, les petites, pour manger, pour jouer, pour étudier, pour dormir ou fêter un anniversaire. La voisine aussi malgré la spécifité de chaise roulante, de la gestion entre les étages et les toilettes, bref rien de spécial, rien de différent.
Mais là pourquoi cet adjectif ? Tout le monde peut venir ici, sans limite, sauf peut-être les cons et les irrespectueux du bonheur et de la vie, les radins des sentiments, les hooligans du football, les cumulards des sections précédentes.
Avec mon pourquoi, j'ai plongé dans un goufre, celui que l'on ne voit pas trop, loin de nous, celui de l'école, du collège, de l'intolérance, des ségragations sans douceur aucune entre enfants, des phrases dures, des moqueries, des vacheries, des saloperies, des rancunes et des haines. Un tourbillon décrit avec leurs mots, leurs vérités. Celui aussi des préjugés, des idées reçues et répétées par un climat social favorable à la recherche de bouc-émissaires.
Différence, discrimination, diversité, couleurs de peau, situations familiales, divergences, tout s'est étalé sur la table entre le sel et le poivre, l'échiquier de nos repas, entre les assiettes et les verres, le nouvel échiquier des noirs et des blancs, celui de leur enfance.
Alors oui, le repas a traîné, on a parlé de notre première différence, la nôtre, celle d'être blanc, européen et de double nationalité, parlant deux langues à table, tous les jours. Sommes-nous à part ? Puis on a pris le sport, pas celui de la télé, non celui des clubs locaux, des équipes, des copains et amis. En ajoutant mon meilleur ami, en sortant des photos de mon école, de mon autre copain inséparable, leurs regards n'ont pas été surpris car toujours ils ont vu d'autres gens dans cette maison. D'autres têtes, d'autres cultures surtout.
Nonobstant nos paroles, nous sommes revenus à cette jeune fille, à sa culture différente, oui peut-être, mais la couleur change-t-elle la personne ? sa richesse n'est-elle pas dans sa diversité ? et d'ailleurs est-elle si différente ? Nous avons pesé tout cela car ici le mot racisme n'est pas dans nos gènes, de part notre mélange naturelle, inhérent à noyre famille, à nos origines, à celles de nos ancêtres, mais aussi à notre curiosité envers les autres. Des souvenirs d'Afrique du sud sont venus s'ajouter à nos propos.
Quel était le problème ? sa couleur de peau ? elle-même ? sa récente arrivée en France ? sa vie que nous ne connaissions même pas, d'ailleurs quelle valeur aurait eu ces éléments dans l'ouverture de notre porte ?
Madagascar, le mot a glissé entre les cases, entre les pions et les pièces de nos pensées. J'ai rebondi sur ma marraine vivant depuis si longtemps dans ce pays, qu'elle était devenu noire pour les gens d'ici, refusant de revenir en France, heureuse là-bas. Et pourtant si blanche ! On a ri, le roi et la reine venaient de chuter. Rien ne justifiait ce mot.
Rien surtout ne justifiait cet différence. Il a été si bon d'en parler, de crever cet abcès, de répondre à leurs interrogations, de créer un questionnement intérieur à chacun, avec déjà des réponses, avec déjà leurs vécus, avec déjà ce qu'ils avaient entendu ailleurs, en dehors de cette maison.
Les idées sont devenus sourire, la réponse était là, tous ensemble devant le calendrier familial, quand ?
Car si ailleurs, d'autres jugeaient, avaient leurs opinions, peu recevables à notre goût, nous avions notre vision d'un monde d"égalité, de non-différence, sans calcul d'intégration ou d'autres réflexions anxiogènes, simplement une porte ouverte à des copines, des amies.
Le chat s'est levé, a traversé pour grimper l'escalier, il a toujours une tâche blanche sur le dos, au milieu de ces poils noirs, mais on ne lui a jamais dit.
Nylonement