La famille, une définition polymorphe suivant les années, les saisons.
Avec ce mot et son contexte s'associent les beaux moments, les mariages, les baptêmes, les fêtes dans le jardin des grands-parents et les sempiternels repas de famille.
Chez nous, chaque année, en août, entre vacances et rentrée scolaire, ma grand-mère, dernier ancêtre de sa génération, oblige tous ses enfants, petits-enfants et même arrière petits-enfants à l'honorer de sa présence. Sous sanction de se le voir répéter durant une année complète, avec l'acidité proportionnelle à sa surdité. Une date finalement symbolique, des anniversaires de famille, des morts anciens que certains ne savent même plus identifiés sur une photo, surtout un grand moment de bonheur, de retrouvailles. Chacun vient, loue une maison d'hôtes toute proche pour garder un peu de tranquilité, ou investit la grande longère avec ses chambres vieillottes mais si nostalgiques de nos courses de cache-cache de jeunesse. Les plus téméraires vont dormir sous les pêchers plantés par mon grand-père, sa dernière lubie avant son départ, dont nous savourons les véritables pêches de vigne, un coin de camping improvisé très apprécié des adolescents.
Et pendant plusieurs jours, les repas et grillades se suivent, il ne manquerait plus que quelques sangliers pour être sûrs que nous sommes bien français, pardon gaulois. Les mariages et même nos origines sont un doux melting-pot d'Espagne, d'Italie, de Benelux et d'actuelles nouvelles nationalités avec les rencontres de nos jeunes cousins et cousines. Fiançailles à venir ?
Mais toujours dans ces repas vous aurez les irréductibles, pas marchands de poissons pas frais, ni même barde à la voix incertaine, simplement ceux qui se vautrent, se roulent dans leur fange, nid immonde et putride de leurs bêtises, pour ne pas dire de leur connerie majuscule. Les remarques des oncles, d'autant plus quand l'apéro a sonné le glas de tout début de maîtrise de soi. Le machiste rampant ressort, se gargarise, s'autocongratule sur la remarque la plus glauque en regard de leurs fines observations des jolis petits culs de toutes les femmes de la famille. Un univers féerique de subtilités grasses que seules des années de machisme, des héritages sans humour de bonnes phrases et un peu d'alcool nourrissent à foison.
Alors quand une jeune femme arrive, sure d'elle, en petite robe d'été, car le soleil est là, mais qu'en plus elle a les jambes totalement blanches, les nigauds se lèvent dans leurs commentaires, s'envolent dans leurs mélopées poétiques, enfin au niveau d'un comptoir de bar de marins un soir de tempête. Tourbillons et typhons se mêlent dans une recherche de la plus saine vacherie, de ces mots les plus blessants pour se conforter dans leur rôle de porcs de sexe masculin.
Oui, je suis rousse, avec une peau fragile, et de plus travaillant tout l'été, je garde ma peau blanche, si belle, loin du soleil. De gardes et consultations, dans mon internat, je suis en dernière année de médecine, et là aussi, une femme en position de puissance, cela les gène.
Alors j'ai doucement expliquer à ma grand-mère, femme de caractère qui a mené sa famille durant toute sa vie, que les charmants êtres humains de cette planète étaient tous égaux. Qu'à partir de maintenant, cette égalité s'appliquait à tous les tâches ménagères, et que les sourires étaient un bien meilleur moyen de communication, n'excluant pas l'humour et quelques bonnes phrases dignes de San-Antonio, je ne suis pas vraiment prude non plus. Mais que dorénavant, ces êtres visqueux et saouls allaient bouger leurs gros derrières, même les faux sportifs ainsi que les adorateurs de bagnoles (oui ceux qui caressent leur voiture comme une bête de course, mais oublie la fonction éducation avec leurs enfants, et leur relation avec l'objet nommé femme).
J'ai provoqué une grève familiale, un boycott du repas et du cul, pour qu'ils se bougent. Ils ont eu des yeux ronds, ils ont finalement ramassés leurs bières, le jaune et le dix ans d'âge, direction la cuisine et sa tonnelle pour préparer le repas, le barbecue, et faire la vaisselle du petit déj. Et Mamie, clémente mais rayonnante de cette révolution, est venu les voir, et elle les a obligé à plus de respect, pire encore, à préparer pour ce soir des poèmes pour chacune de leurs femmes ou amies.
Dommage ce soir, je suis de garde, je vais rater cela.
Nylonement