Ses jambes ressentaient le vent, face à l’océan, seule sur cette plage de Normandie. Un temps mitigé, des nuages et cette lumière rasante du matin, une saturation des blancs, des gris et parfois des rayons impertinents qui percent.
Elle a décidé de conjurer le temps, cette météo de juin, démoniaque avec cette pluie, incessante hier alors qu’elle était arrivée à l’hôtel. Elle lisait, dégustant du bout des doigts des douceurs au chocolat, des palets de finesse absolu en différentes provenances et concentration de cacao. Fondre en dedans car dehors, soudainement la pluie redoublait de férocité, un coin de tempête sur le port, sur la mer. Derrière les gouttes, sur la vitre, le rideau sur le côté, elle voyait ses souvenirs, de l’année dernière, ils étaient là tous les deux, main dans la main, les pieds nus dans le sable. Elle avait une robe en coton blanc, bordée de dentelle de calais, si fine, si aérienne. Elle souriait du matin au soir, heureuse tout simplement avec cet homme. Lui ne savait pas lui dire son amour avec la formule consacrée, il n’était pas libre, engagée avec une future ex-femme, et surtout avec des enfants, une vie, une fin d’un cycle de vie.
Il lui donnait des mots, chaque jour, pour elle, pour soigner ses maux, sa souffrance rarement mise en avant, ses doutes parfois suintant entre deux paroles. Il était libéré d’être avec elle, son étoile de féminité, elle qu’il adorait suivre du regard, de près ou de loin. Elle était sa muse, devenue son amante, son inspiration intérieure de chair, extérieure de sensibilité. Il gardait cette madeleine pour lui, n’exigeant rien, n’attendant rien, ne pouvant demander, ne pouvant s’engager. Mais il ne pouvait se passer de cette douceur. Elle était son équilibre, mais régulièrement il reculait sur lui-même pour être sûr qu’elle s’épanouissait dans ce duo.
Son histoire défilait sur la vitre, se gorgeant de souvenirs comme ses gouttes qui tombent les unes dans les autres, elle voyait ce passé compliqué, cette vie stockée comme de vieux meubles, oubliés. Elle avait ses enfants, grands maintenant, des beautés du présent depuis quelques mois, et tout ce changement rayonnant. Son entourage s’était habitué à ses nouvelles robes, sa nouvelle féminité, la sienne qu’elle mettait enfin devant. Elle vivait pour elle, il lui rappelait, il insistait pour qu’elle existe sur ses bases si fortes, si fières, sur ses réussites, sur des doutes ineffaçables, sur ces courbes trop longtemps mystifiées sous des vêtements informes.
Aujourd’hui sur ses hanches, elle portait ce plaisir, ce serre-taille, ses jarretelles, ses bas nylon, ce détail symbolique si fort, si criant de glamour. Ainsi sa féminité l’enveloppait, comme son parfum, comme ses robes fluides, ses jupes délicates, ses ensembles en harmonie avec sa volupté. Son sourire, sa discrétion, celle du regard de son homme, son silence traduisaient la splendeur, l’infinie douceur que son cœur ressentait. Elle portait cette nouvelle allure, ce changement s’était effectuée par étape, continuait actuellement, et dans le futur elle testerait d’autres facettes sensuelles de sa personne, lui adorait cette muse polymorphe dans la douceur.
Elle l’attendait, dans une heure, il serait dans la gare, juste pour elle. Son premier regard au milieu de la foule, vers elle, leurs premiers sourires.
Nylonement