Printemps et soleil semblent réconcilier en cette matinée, avec le jour qui se lève toujours plus tôt, sur un Paris quasiment vide, encore silencieux. Bien que je ne sois pas du tout parisien, profitant habituellement du privilège de la vraie nature de mon domicile, je suis venu travailler ici, dans ce coin si typique, dans le calme relatif à cette heure très matinale. Là un banc, la modernité du wifi et des réseaux pour connecter mon ordinateur, une pelouse devant moi, des oiseaux qui semblent s'aimer, s'ébattre de bisous dans le cou, de dons de chenilles pleins leurs becs.
Là une terrasse qui s'ouvre, mon lieu de travail, une table de bistrot, une vue imprenable qui rendrait jaloux des millions de gens, des mots, des rapports et d'autres documents à créer, un projet majeur à construire, d'autres projets moins ambitieux à défendre. En attendant mon chocolat chaud, qui cmplète mon fromage blanc avalé très tôt, je laisse flâner mon regard sur la ville endormie, sur les premières personnes qui bien qu'en vacances, marche si tôt sous les arbres. Je croyais que les amoureux aimaient Paris sous les draps aussi, pas tous apparemment. Des belles Juliettes posent pour leurs Roméos, tablettes, imachines et autres appareils reflex avec toute la panoplie du vrai photographe.
Tiens soudain, une jeune femme en robe bonbon rose, un peu courte, un peu trop Las Vegas à mon goût se plante là devant cet arbuste, dans la perspective du lieu, avec le soleil qui l'embrasse, la réchauffe car le vent est encore frais, et ses jambes très découvertes. Mini-robe puis maxi-robe pour la suivante, une mariée, son mari, un assistant avec les flashs et les panneaux réfléchissants pour accentuer les contrastes, le photographe qui hurle des mots en langues inconnues. Elles défilent l'une après l'autre. Je ris, espérant que le marié soit le bon à chaque fois, dans le bon duo officiel, malgré cette cavalerie de mariages.
Les pigeons passent sur ce paysage d'histoire, les cars arrivent le lieu s'anime, mon chocolat arrive avec un peu de chantilly, le serveur commence à me connaître, je travaille là maintenant. Pas tous les jours, parfois derrière des écrans de plusieurs ordinateurs, parfois ici dans ce recoinde panorama de carte postal. Des grandes, des petites, des maigres, des moins maigres, des rondes, des vieilles, des jeunes, des enfants, des femmes, me voici dans mon élément, un cinéma réel en 3D sur la diversité et sur les féminités. Ici tout est possible, toutes les tenues existent, entre jean et pataugas pour les randonneuses, joggings pour les plus sportives qui courent à toute heure sous les arbres, plus loin des élégantes, des jeans aussi, des mamies et des mamans, des nounous, des nationalités par dizaines. On parale anglais, français et toutes les autres langues, je renseigne parfois les plus perdus, un sourire, le début d'un message.
Le reste de ma journée sera fait de mots, de documents, de coups de fil et d'emails, de recherche d'une prise pour la batterie de l'ordinateur, de nouvelles silhouettes, de soleil et de nuages, de touristes un peu plus nombreux, de questions incongrues, de rencontres avec quelques stars devenus simples passants, de travail toujours avec cet oeil sur la vie, sur la mode.
Nylonement
Quel est ce lieu, bien réel ?