Ce matin, le soleil tapait derrière mes volets, il était un peu tard. J'avais pris ma journée, j'étais assomée. Les derniers jours avaient été aussi gris que le printemps, durs et amers. J'avais subi le choc de sa déclaration. Mon mari me quittait. Brutalement, sans trop de signes avant-coureurs, sans fissure, il ne m'aimait plus, nous ne pouvions continuer ensemble.
Nos enfants étaient grands, la dernière venait de passer son bac, avec mention, elle était en vacances avec des copines, des copains à Noirmoutier, une maison de famille derrière la plage. Nous étions seuls, tous les deux, à la croisée d'une vie. Mon travail marchait bien heureusement, ma chef m'avait dit de prendre un brin de recul, nous en avions parlé, j'avais eu besoin de me confier. Avec elle ou avec une amie, avec n'importe qui.
Car si le couple coulait comme un vieux fleuve trop tranquille, j'avais gardé ma féminité, plutôt je l'avais retrouvé. Trop tard, j'avais pris conscience que je m'habillais pour le bureau et quand il rentrait j'étais plus mémère, plus cool, bref dans des vêtements plus informes, plus insignifiants. Et lui, aussi un peu, mais lui aimait tant l'image de la Femme, de sa femme, je n'avais pas fait attention aux signes, à ses phrases, à ses mots. Je l'avais même réprimandé du haut de mon féminisme germé à la quarantaine, je ne voulais pas être un corps, des courbes, un idéal de mode, une chose que l'on aime car elle porte une jupe crayon, un chemisier et des dessous en dentelle. J'avais rejeté les bas qu'il m'avait fait découvrir, et que j'aimais à porter si souvent. J'avais mis plus de dix ans à reprendre corps avec mon image, et son amour. Ses sentiments n'étaient pas que pour la fine lingerie, elle était pour lui, une part de ma féminité, un révélateur qu'il adorait voir sur moi, avant, pendant, après nos longues discussions et calins. Il aimait mon esprit et mes courbes, ce tout indissociable. Il avait vu s'échapper la volupté, l'allure. Il m'aimait avec et sans, il aimait la Femme qu'il avait toujours vu en moi. Et que j'avais oublié.
Il me quittait, il me respectait et ne me reprochait rien, car lui aussi avait ses défauts, ses errances, ses doutes, ses propres reproches. Il ne voyait plus d'avenir commun.
Est-il parti pour une autre ? Plus jeune ? je ne pense pas, il aimait tant les femmes glamour, avec leur corps assumé, leurs vérités et la gourmandise sur les années. Moi d'ailleurs. Plus sexy ? peut-être. Plus disponible ? probablement. Plus Femme ?
Je suis seule ce jour, ce soir.
Nylonement