Pourrais-je prendre du recul ? Aujourd'hui, demain, dans un mois, dans six mois, prochainement ?
Je suis perdu, je le cache mais je suis bien perdu, noyé sous un flot d'informations contradictoires. Sortant de toutes parts, car le notaire doit gérer l'héritage, précisément la succession de la part de maison et autres valeurs de ma femme, car les impôts sans m'avoir jamais contacter, ni même pris le temps d'envoyer un message formaté de condoléances, ces mêmes impôts demandent à mes enfants la déclaration financière de la succession de leur mère. Et moi dans tout cela? que suis-je ? le passant qui regarde passer les demandes diverses.
Et puis il faut ressortir les documents, des papiers rangés mais aussi un peu passés sus le silence de plusieurs décennies en commun, avec un divorce non exécuté, une patience sous les épreuves, une volonté de ne pas hurler les douleurs des coups bas reçus, des paroles blessantes digérées avec leur vitriol, pour ne plus être qu'un con qui ne part pas pour ne pas offenser ses enfants, pour ne pas les blesser et finalement un simple con d'époux.
De veuf plus exactement, je suis un veuf perdu dans ce fleuve nouveau des regards sur l'amour réel mis en boîte entre photos anciennes, invitations communes et vacances ici et là. Je retrouve les instants complices, les années d'amour et de petits messages écrits sur des cartes, des souvenirs forts et maintenant douloureux car tant de temps fût perdu dans l'inutilité des esprits déphasés qui ne se comprennent plus. Que de douleurs de savoir qu'il y a eu heureusement de beaux moments, de les revoir intérieurement et même presque les revivre en accéléré pour ensuite revenir à la réalité plus froide, douloureuse encore.
Je suis perdu dans ces vagues que je ne peux contrôler, dans un monde devenu flou à mes yeux, loin des regards des collègues, simples personnes sans échanges d'émotions, des amis, occupés à leurs vies bien remplies, de nos enfants, eux-aussi dans leurs peines. Seuls face à une injustice du temps, elle est partie trop tôt.
Aujourd'hui encore je souffre et je ne sais où m'appuyer sans gêner les autres, sans trouver d'issue pour me reposer la nuit, sans ruminer nos erreurs, sans juger mes errances ayant creuser le fossé entre nous deux. Je n'arrive pas à l'oublier maintenant alors que je le souhaitais si fort quand nous envisagions une séparation après sa maladie, comme deux personnes sans plus d'attaches. Divorcés, naturellement dans notre société habituée à cette situation, à cette routine proche du mariage. Je n'arrive pas à oublier notre vie commune emportée avec elle, laissant nos fruits, nos enfants sur le côté. Je ne dors presque plus, je revois tant d'images, sans amour pourtant, sans ambiguïté non plus. Mais elle traverse mon esprit, reviens, repars, n'existe plus. Je me sens perdu.
Comment cela a-t-il pu arriver ? Pourquoi elle a refusé de se soigner ? Suis-je en faute ?
Et puis comme un flash, ces derniers mots, sa douleur au téléphone, quelques heures avant de partir ? Loin d'eux, loin de ce qui fût nous, loin de la vie.
Des larmes...
Nylonement