Est-il possible de décrire ce livre en quelques mots, avec de simples adjectifs ?
La lecture de "Darwynne" de Colin NIEL est déroutante, chapitre après chapitre, le lecteur s'enfonce dans la noirceur du thème, dans les profondeurs de la forêt amazonienne, tout aussi sombre.
Une famille, miséreuse vivant dans un hameau isolé, un bidonville glauque où chacun survit d'autant plus qu'il est situé en frontière de la Guyane, avec des habitants immigrés illégaux, inexistants aux yeux des autorités, exclus de tout, vivant de rien. La mère souffre de survivre ici, mais elle se réconforte de cette masure branlante comme un recoin bien à elle, protégeant ainsi son jeune fils handicapé. Ils vivotent, ils partagent avec les voisins, ils se jalousent du peu que chacun semble avoir. Arrive un nouveau beau-père, dans la moiteur de cette fange tropicale, il complète le puzzle humide. Tout est précaire, sombre le jour comme la nuit, avec cet enfant sauvage qui rêve d'un ailleurs au coeur de la forêt. Le seul endroit où il existe pleinement, où son corps ressent intensément la nature, les arbres, les lianes, les racines, et toutes les bêtes cachées mais si présentes. L'obscur vient aussi de cette relation étrange avec sa mère, fusionnelle parfois, mais aussi à travers les sévices d'une mère sur un gamin brisé, qui lui voue un amour infini, une haine peut-être en devenir.
L'atmosphère pèse sous la pluie, dans la cabane où le beau-père cherche sa place. Et survient une assistante sociale, habituée à cette misère, fatiguée de ces missions non abouties pour aider des familles en détresse certes, mais dysfonctionnelles pour la plupart. Elle a sa propre quête d'amour et de maternité. Mais cette rencontre avec l'enfant Darwynne la bouleverse. La forêt envahit l'espace, l'humidité dicte la mollesse des habitants, semble justifier leur sauvagerie tout autant.
Thriller obscur, déconcertant tant que l'on a pas pris du recul sur cette ambiance pesante, le livre de Colin NIEL use d'une belle écriture, d'une belle musique littéraire pour vous envoûter, vous tenir entre les fougères géantes et autres natures angoissantes. Il dépeint la rudesse de la vie, l'étrangeté de cet enfant mais suggère une poésie indirectement palpable au gré des chapitres. Osez aller jusqu'au bout du livre, vous en ressortirez avec un autre regard !
"Darwynne"
par Colin NIEL
Editions Le Livre de Poche
actuellement en lice
pour le prix "Polar" du Livre de Poche
du mois de février 2024