Reprendre possession de l'espace et du temps, croire en des nuits plus souples sans cauchemars, avancer dans le noir, nuit et jour.
Je n'ai toujours pas réussi à voir le futur, devant moi car le temps semble arrêté autour de moi, même en m'asseyant à mon poste de travail, je suis ailleurs, loin de cette réalité. Les papiers, l'administration qui ne semble pas connaître les douleurs, ni même les formules de politesse, les institutions qui vous réclament des documents car c'est la loi, mais sans vous avertir de ses obligations. Un vaste vide autour de son départ, de son absence, d'elle qui n'est plus là.
Pourtant je pensais prendre du recul et un vide me dévore mes nuits, me rappellent nos années de vies communes, les joies et les derniers mois de douleurs. Le grand chamboulement d'explications pour ceux et celles, en particulier ses amies, qui ne comprendront jamais qu'un homme peut ne plus aimer une femme, sa femme, prévoir le divorce et finalement rester pour la protéger de sa maladie, de l'errance malade et sans travail, des injonctions financières s'accrochant à son fardeau. Un homme absent à la fois, car il n'y a plus d'amour, plus de sentiments, plus d'émotions positives, mais présent pour payer les besoins de la vie, des enfants, des jeunes adultes en devenir, pour lui donner un lit, un toit, un espoir. Un homme perdu dans ce tourbillon impossible de la vie qui se meurt, avec la maladie dévorante toujours plus inquisitrice dans le reste du couple, plus dévoreuse de vie dans une famille en attente de la fin immuable.
Soins palliatifs, douleurs invisibles cachées derrière une rage de vivre mais paradoxale sur les soins refusés, le cour de l'existence n'avait plus de sens, encore quelques souffles pour voir la nature derrière le vitre de la chambre, grandir vers l'été pendant qu'elle s'éteignait. Souvent, je pense à elle, à ses derniers mois partagés au téléphone, à la fin de notre amour, à sa fin, à cette perte, à mon déni peut-être.
J'aurai pensé l'oublier, surtout les dernières années où parfois j'ai été en colère par rapport à ses choix, à sa vision incohérente du monde et de la vie, de sa vie aussi. Mais je repense aussi au passé, à ce lien si fort appelé amour, avant, bien avant, si loin qui se joue de remugles nauséeux pour envahir mes nuits, par de petits incisions blessantes. Une accumulation de douleurs, confuses encore maintenant, dans ce puit de souvenirs.
J'ai mal. Je ne peux oublier.
Nylonement