Etrange sentiment que ce retour en taxi vers l'hôtel, seule, juste avec mon sac à main sur la banquette, mon manteau plié à côté. Le chauffeur est silencieux, un coup d'oeil parfois vers moi, mais aucun commentaire, juste un fond de musique lounge dans sa radio. La nuit illumine la ville, les quelques vitrines de mode ou d'autres commerces, les arbres, les voitures endormies, les fenêtres aux striures éclairées derrière les volets clos, rien de plus. Quelques passants, deux clochards sur un banc avec leurs chiens, la vie défile plus lentement la nuit. Les étoiles au-dessus des immeubles, les lampadaires jouant à cache-cache avec les feuilles des arbres.
Sage décision de ne plus le revoir, de lui avoir dit dès le cocktail d'entrée pour ne pas avoir à commander un plat qui serait rester froid dans une assiette, face à une chaise vide. Il doit être là encore dans sa médiocrité ne mesurant que la conquête de plus que je devais être sur sa liste. Pauvre type comptant ses milliers d'euros voire beaucoup plus, étalant sa réussite devant toutes personnes, flamboyant parfois mais toujours assez vite de retour vers son statut financier. L'homme avait disparu derrière l'ogre, toute humanité ne pouvait survivre en lui et il s'enfonçait sur cette route sans fin vers une solitude dont dès ce soir il goûtait la saveur fade. Il ne faisait que répéter cette situation, ces amis, plus encore ces ex-petits-amies m'avaient souri au début, puis l'une m'avait prévenu de ce tourbillon euphorique du début de toute relation avec lui qui suivait un chemin toujours plus près du bord de la falaise. Il chutait à chaque fois en suivant le même parcours, voire la même routine de beaux hôtels pour séduire, les mêmes balades en grosses cylindrées. Cette ex, je ne l'avais pas cru, soupçonnant un jeu improbable de jalousie et de revanche.
Ce soir, je pourrais l'appeler, lui confirmer ses mots, cette fadeur de la routine, cette sournoise impression de n'être que sa créature.
Oui avec son cocktail favori, mais sans l'envergure et la classe d'un gentleman, je lui avais parlé de sentiments. Cette immatérialité de la vie, des échanges entre deux êtres. Au-delà de la superbe robe faite sur-mesure qui tombait à ravir sur mes hanches, enveloppait ma poitrine avec souplesse, je lui parlais de nos émotions, assez vite des miennes. Car dans cette rencontre, après lui avoir résister longtemps, ne succombant pas à son étalage numéraire, je l'avais fait venir à moi, avec plus de simplicité, cherchant l'honnêteté de son approche, de l'homme que je pensais apercevoir en lui, derrière ce costume trop bien taillé. Il s'était dévoilé, avec ses vérités, ses souffrances, son enfance pas si facile, ses projets divers. Il m'avait même parlé de ses échecs, de sa vie, de ce qu'il cachait par honte de ne pouvoir convaincre les autres, d'être ramener à une image que lui-même souhaitait oublier. Il n'était que le pantin du regard des autres sur lui-même. Le miroir ne lui renvoyait plus ce qu'il était mais ce qu'il voulait, devait montrer. Le meilleur moyen de ne plus exister pour soi. Nous avions oublié le luxe, cette vie facile et assez fade, pour une randonnée en montagne, pour respirer l'air à pleins poumons, pour boire une bouteille de vin avec du pain et du fromage trouvé dans une épicerie d'une village. Nous avions ri quand sa carapace tombait , quand il riait d'être si bien ici, quand nous étions enroulé nus dans cette couverture, en pleine nature. Nous avions fait l'amour totalement libres du regard des autres. Mais le retour n'avait que pousser au loin cette authenticité de la vie, il était reparti vers ses projets, vers ses repas d'affaires où l'existence se mesure en actions, en voitures grands modèles et en silhouettes blondes posées en passagères.
Je ne voulais plus suivre cette route, encore moins être cette femme, comblée d'achats et de pseudo-cadeaux, car je ne voulais que de l'amour d'un homme.
Seule dans la baignoire, sans aucun autre vêtement que cette robe, cette lingerie fine, mes bas et mon manteau, je repartais pour une nuit douloureuse mais libératrice. Pour une journée, demain, une autre journée de célibataire, un peu triste, mais libre.
Nylonement