Noël, doux noël, cette belle période de calme, avec la possible trêve des confiseurs, ce moment qui nous coupe du monde réel. Je marche dans la rue avec des sacs et quelques achats, un long manteau chaud pour couper le vent, une belle écharpe douce, la tête ailleurs, avec des guirlandes qui scintillent dehors mais aussi en moi. J'aime cette période où la sérénité devrait prendre le dessus sur toutes les mauvaises nouvelles de notre monde réel.
Je gambade avec mes bottes hautes, je suis bien, un arrêt devant la vitrine du chocolatier, une envie d'une croquante version très noir, très intense pour accompagner mon thé. Douceurs du palais, confort de mon chez moi. Je flâne dans cette rue emplie de sapins décorés, de lumières et de décorations poétiques. Derrière les vitrines, des idées de cadeaux, le charme aussi des ambiances avec fausse neige et chapeaux rouges quelques soient les commerces, entre boulangeries et traiteurs, mode et voyages.
Mon regard tourne, happé par le tourbillon, mes yeux clignotent, je souris de me croire dans une autre dimension, absorbée dans un téléfilm de Noël où toutes les rues brillent, où les coins et recoins sont tous couverts de branches de sapins, de boules multicolores et de sucres d'orge géants rouges veinés de blanc.
Et elle est là. Avec sa lumière intérieure.
Dans son panneau publicitaire, elle vient de stopper le tourbillon. Là sur le trottoir, elle rayonne, son manteau écru posé sur ses épaules, délicatement ouvert sur des jambes divines, elle attend. Elle nous regarde, nous observe après avoir déposé son sac sur le banc du musée. Vient-elle d'une autre dimension ?
Parfaite, belle, très belle, ravissante, sublime. Ses cheveux courts impeccables, elle prend le temps de voir défiler ce petit monde de clients dans la rue, depuis son univers de beauté sans aucun défaut. Pourtant devant elle, il y a des hommes et des femmes, quelques enfants, des chiens. Rien de merveilleux, des gens, des anodins, des gros et des grands, des petites et des minces, des variantes de toutes morphologies, fagotées dans des manteaux trop justes, posées dans des chaussures entre baskets et modèles insipides. Quelques bottes aussi, des escarpins parfois, quelques belles gambettes se faufilent au milieu de cet ensemble, des collants opaques, un ou deux avec des motifs plus glamour, quelques petites robes noires s'aperçoivent sous les doudounes, loin d'elle malgré tout. Certes son maquillage provient des doigts de fée d'un MUA, d'un make-up artist, sa coupe et sa blondeur nuancée des compétences d'un coiffeur de stars, et puis pour compléter le trio, un graphiste champion de la retouche discrète. Je sais qu'elle est naturellement très belle. Dans les films, elle est très entourée, mais dans les médias, elle apparaît si simple, si réelle, si parfaite.
Mais est-elle la beauté de toutes les femmes ? Difficile d'incarner toutes les diversités, toutes les silhouettes, en ajoutant les coiffures et les teintes de peaux, c'est impossible. Elle est une image, une envie, un repère mais en aucun cas un absolu pour des femmes hypnotisées par cette beauté irréelle. Je suis pourtant captive de tous les détails qui me fascinent, jusqu'à bout de ses slingbacks bicolores. Je n'ai même pas l'envie de son sac, mais je craquerai volontiers pour prendre sa place, contemplative dans une autre dimension. Femme générique montrant mes gambettes, avec ses escarpins, avec mes formes, je suis une femme. Simplement moi.
Nylonement