J'ai pris une pause, une véritable pause, chez moi. Je vous vois sourire surtout en cette période de crise, avec le message "Restez chez Vous" martelé si fort, si souvent, avec le nouveau big brother.
Oui mais je dois vous avouer que j'ai travaillé, tous les jours ou presque sauf le dimanche, des longues journées, souvent intenses. Je ne suis donc pas resté chez moi, j'y suis revenu en fin de journée, pour souffler un peu, pour retrouver un cocon mais avec ce stress mêlé d'incertitudes et des messages peu rationnels, la tension était encore là. J'ai fait ce travail indispensable à la vie des autres. Chaque jour, j'ai pris ma voiture pour des kilomètres dans Paris, dans sa banlieue, avec ce presque privilège de ne voir que très peu de véhicules. Des avenues vides, des lieux fantomatiques, des espaces nouveaux tant la sensation de vide était immense. Peu ou pas de passants, des quartiers où je me suis amusé à écouter des titres d'Ennio Morricone en espérant voir des Tumbleweeds, ces boules d'herbes sèches qui roulent en attendant le héros avec son chapeau et son harmonica. J'ai pris des photos surprenantes, j'ai traversé à 8h15 la porte d'Orléans sans aucune voiture, un miracle impossible même un jour de fête. Le vide mais aussi le calme retrouvé, ces lieux sans bruits de bagnoles, sans cris et klaxons, ces trottoirs avec juste quelques coureurs et quelques chiens.
Aucun magasin ouvert, aucun lieu pour déjeuner sauf des boulangeries avec leurs queues dignes des pays soviétiques de l'ex-Urss, donc j'ai souvent renoncé à manger, croquant une pomme ou une banane en attendant la fin d'après-midi. Voyager dans ce moment immobile, comme pour comprendre ce qu'est la vie et cet espace symbolisant malgré lui le manque de vie.
J'ai fait mon travail, je l'ai adapté aux circonstances, donnant encore plus d'empathie à celles et ceux que je croisais. Rien n'était simple, car il manquait du monde, il manquait des émotions, troublées par d'autres angoisses, il fallait malgré tout être là pour eux. Encore et encore, chaque jour, dans des conditions parfois terribles, tragiques, intenses de fatigue en plus de tout cela.
Et puis j'ai porté mon fardeau, celui de voir la vie s'échapper de ce cercle privilégié qu'est la famille. La voir partir, la voir une dernière fois, la savoir ailleurs pour la savoir soulager des douleurs, mais comprendre aussi qu'une étape nouvelle s'installe. Un poids nouveau sur les épaules pour l'avenir. Je le digérerai au fil du temps, sans elle. Mais avec des tonnes de souvenirs, petits, anodins, grands, immenses.
Alors oui, aujourd'hui, ces derniers jours, je marche seul, je suis auprès de mes enfants, dans un autre cocon, pour extérioriser certaines douleurs nouvelles, pour les empêcher de prendre racine, pour penser à tout, à rien aussi, pour combattre ses moments fragiles avec des larmes. J'avance car rien ne me rend plus fort que l'adversité, un genou à terre, deux même, mais je me relèverai toujours, je suis ainsi. Non pas un surhomme, loin de là, loin de ma pensée, loin de ma propre humilité, mais j'ai combattu des montagnes de doutes, des douleurs si pernicieuses que je serai de cette victoire, mais en prenant le temps de bâtir la suite.
Je me repose, je fais rien, je fais plein de choses, je respire ma forêt, cet endroit d'exception en bout de jardin, je suis en dehors des médias et du temps, pour écrire encore, toujours plus, bien plus que ce simple blog, je me gave de voyelles et de consonnes, sans limite, avec excès même. Je me sens mieux.
Et puis pour vous, mes lectrices, mes lecteurs, revenez vers mes autres articles, car celui-ci est un bout d'intimité qu'il me fallait libérer, mais qui n'est pas un cadeau. Juste un morceau de vie, ma vie !
Nylonement