Quelques flocons, en ouvrant les volets ce matin, le sol blanc sous les lampadaires, et surtout le silence. Certes il fait froid, mais j'aime tant savourer cet instant si rare en ville, le silence, les bruits étouffés par le manteau blanc, les voitures disparues, les passants concentrés sur leurs pas et moins bavards. Mon souffle devient brume dans l'air glacé, les flocons continuent de tomber. Ici et là, le sol disparaît, le trottoir absorbe la route, la nature reprend tous les espaces.
Je referme la fenêtre, pour dévorer les tartines grillées, avec de la confiture maison de framboises, avec l'odeur du thé, la tasse chaude à portée de mains. Certes il va falloir sortir, marcher avec précaution pour ne pas glisser dans cette infinité blanche, sans tomber sur le gel ou simplement sur la neige tassée par d'autres. Mais j'aime ce paysage et ses lumières encore différentes. Les couleurs ont disparu car la nuit absorbe les teintes, seules les lampes se reflètent sur le blanc enveloppant.
Les voitures garées ne sont plus que des formes arrondies, sans réelle différence d'ailleurs, une uniformisation totale. Personne ne semble vouloir les démarrer. Là-bas un chat amusé par ce nouveau décor, saute sur les toits, grimpe et glisse sur les pare-brises, un chat noir, un super-héros sans cape visible dans tous ses exploits, il s'arrête, s'enfonce dans l'épaisseur, repart finalement sous la barrière, puis sous le haut-vent sur un sol vierge et sec.
Mais quelle mode pour ce temps neigeux, je ne suis pas à la campagne, juste à quinze minutes d'un métro, cinq minutes d'un bus. Celui-ci risque fortement d'être absent car avant il y a une grande montée, puis une grande descente, source de cascades et de glissades. L'année dernière, ils avaient barré la rue, et certains skiaient sur les deux voies.
Bottes et grandes chaussettes, manteau long, robe pull et collant opaque, mais je ne dois pas oublier le bureau, surchauffé en hiver, inadapté aux saisons, bloqué sur la mode en version petite robe d'été. Des gants, une écharpe, un bonnet, un sac à dos pour avoir les mains libres, plus faciles pour attraper un rebord rassurant, un arbuste bienvenu quand le sol est trop gelé. Il reste du thé, du temps aussi avant de partir, peut-être aussi la possibilité de travailler derrière mon écran, chez moi. Juste refaire du thé, un email pour prévenir de ce changement météo. J'hésite. Je croque dans la tartine, les yeux bloqués sur ce sol blanc, tout blanc.
Nylonement