Une belle fin de journée avec des rayons de soleil toujours aussi présents, alors en sortant de ce bureau frigorifique, climatisation bloquée sur super-froid, elle a longé le mur pour trouver un compromis entre ombre et chaleur amplifiée par le goudron du trottoir. Depuis plusieurs jours elle avait remplacé dans un premier temps le classique tailleur gris par une petite robe noire mais l'excès de chaleur faisait que tous vêtements étaient excessifs dans les transports. Certes la plage était encore loin, aussi éloignée que les futures vacances de septembre prochain. Alors en vain, elle avait poussé la porte d'une boutique encore en soldes, pour trouver deux petites robes d'été, véritablement légères mais chics.
Un changement troublant pour ses collègues de bureau, habitués depuis longtemps à son style empreint de rigueur et d'élégance, dévoilant juste ses mollets au-dessus de ses escarpins vernis, le tailleur comme un uniforme quotidien. Sa fonction permettait la version fermée ou très rarement ouverte de sa veste sur un chemisier impeccable, boutonné jusqu'au collier de perles fines. Un style, le sien, un brin bourgeois, rassurant pour ses rendez-vous avec les clients. Sa féminité était évidente mais aucunement dévoilée, sans aucun excès.
Alors les derniers jours, certaines avaient un peu persiflé en voyant ce col bénitier plus ouvert sur sa poitrine menue, ou sur cette longueur de jupe plus courte qu'à l'habitude, voir cette presque indécente fente dans ce tissu si léger. Mais toutes et tous souffraient de la même vague de chaleur. L'armure se fendillait un peu, s'allégeait surtout mais son allure était toujours bien droite, dans le cliquetis de ses talons fins.
Ce soir, une douche fraîche mais pas froide pour libérer sa peau des sueurs et des odeurs des transports, pour respirer enfin sous cette eau, sans envie d'arrêter. Elle inspirait doucement cet air humide, cette sensation de froid. Mais déjà elle était ailleurs, près de lui, cet homme, plus exactement cet amant qui lui avait confirmé son passage dans leur hôtel, dans la même chambre, avec cette terrasse sur les toits de la ville. Il arriverait après elle, sortant tard d'une dernière réunion, mais les fleurs seraient là dans un vase glacé avec une bouteille de champagne. Deux flûtes, des petits fours et leur relation ambiguë entre amour et sensualité brute, ils fusionnaient ainsi quelques fois par an, ici et là, dans des chambres, au gré de leurs déplacements, de leurs envies surtout.
Dans quelques minutes, elle serait dans un taxi climatisé, dans cette petite robe noire, avec de jolis gants, quelques bijoux et son parfum.
Nylonement