Une longue file d'attente, le lieu est un peu prisé, ce musée est comme une malle magique, celle que l'on ouvre sans savoir quelles merveilles seront présentes. Alors devant cette porte, elles rêvent toutes de mode. Patience, mon regard, après avoir découpé en tranches les fleurs et les arbustes, les arbres et les petits oiseaux, revient sur la file d'attente.
Quelques hommes, beaucoup de femmes, de tous âges. Un duo de vieilles dames, l'une s'appuie sur une canne, je les écoute, elles parlent des glaces qu'elles viennent de déguster sous la tonnelle du jardin. Elles s'amusent de leur gourmandise, un secret pour leur médecin, pour leur famille, un moment gourmand comme des enfants avec les doigts dans la confiture. Elles savourent cet instant frondeur de pur plaisir. Une petite famille devant moi, une mère dans une tenue vegan, un pantalon improbable en toile de parachute colorée, un top indy-bohème avec des pendeloques de perles de bois, et des tongs pur plastique. La copie conforme pour ses deux filles, le pétrole comme seule matière inerte pour s'habiller. Derrière moi, des touristes en shorts et tee-shirts débraillés, il fait un peu chaud, les vacances encouragent les libertés vestimentaires les plus diverses. Dans un temple de la mode, tout cela est bien éclectique. Deux dames discutent plus loin, plus chics, un simple pantalon baguette noir avec un chemisier rose pâle en soie, sobre et élégante, son amie porte une robe aux motifs bleu et blanc. Un soupçon de corolle, un clin d'oeil aux années 50. Le bruit des vagues revient vers nous, la marée monte au pied de la falaise. Nous attendons toujours.
Des paroles distillées par le brouhaha de cette file, m'étonnent. Certaines découvrent que Christian Dior, couturier international soit mort sans avoir reçu l'information sur twitter ou instagram. Une autre rigole de cette découverte, la dernière conclut enfin en trouvant l'année de décès "mais qui fait la mode depuis ?". Profonde interrogation emmêlée dans un vide culturel, un néant partagé à plusieurs. Mais où va leur curiosité ? Pourquoi sont-ils ici ? Par hasard ou croyant voir le propriétaire venant leur serrer la main dans sa maison rose, dans son jardin fleuri de milles roses ?
Je plonge mon regard ailleurs, oubliant ce groupe, une troupe de seniors dissertant sur la qualité des créations de haute-couture, elles-mêmes assez féminines, chacune dans une robe imprimée sur un tissu léger d'été. Elles viennent pour lui rendre hommage, en souvenir des premières robes copiées dans les années 50, sur des tissus plus simples, des souvenirs de coutures, de soirées pour être la plus belle pour aller danser. Des rires, de beaux moments reviennent en évoquant les sacs à main, les gants et les chapeaux. Accessoires, elles regrettent cette disparition, mais rigolent aussi des chaussures, une passion commune. D'ailleurs, l'une d'elles guident les autres vers une jeune femme brune. Seule dans la file, sobrement élégante avec sa jupe crayon bleu marine, sa marinière de coton blanc et corail, ses cheveux tirés tenus par une barrette laquée. Une sac à dos en cuir gris, mais surtout des talons hauts. Impeccables pour renforcer son allure.
La porte s'ouvre, la file avance au gré des sorties, pour ne pas avoir trop de monde entassé durant la visite. Elle grimpe les quelques marches, son élégance captive tous les regards. A moins que ne soit ce détail, des coutures au dos de ses jambes, ce voile transparent.
Ce simple bonus d'élégance.
Nylonement