Douceurs des arômes du café de l'un, du thé pour l'autre et des tartines grillées pour tous, nous croquons les alvéoles du pain, du beurre salé fondu mêlé à la confiture de cerises maison. Un souvenir du début d'été dernier, un ramassage en famille, avec des moments de rigolades entre deux cerises croquées, juteuses et explosives de saveurs dans nos bouches, le soleil nous suivait du regard. Il frottait les branches les plus hautes, celles où mon frère et mon homme étaient en plein travail, plantés sur les grandes échelles.
Ces cerisiers que nous avions vu grandir, plantés jeunes dans le jardin de notre nouvelle maison familiale d'alors, et chaque année, nous avons grappillé des boules juteuses, taché parfois nos tuniques de coton avec ce jus rouge. Que de bonheur même si nous avions dû mal à attendre la nouvelle saison, patienter encore et encore quand les premiers cerises gonflaient, variaient du verte vers le rose, puis le rouge écarlate, puis encore le presque noir avec des reflets violets. Elles se faisaient attendre un peu plus quand la pluie arrêtait le soleil, elles prenaient des formes brillantes, n'attendant que nos mains, nos bouches.
Les oiseaux nous alertaient sur le début de la saison de la gourmandise, car eux sentent le sucre, le bon moment pour se goinfrer. Alors nous sortions les paniers, nous en mangions sans limite, enfin presque. Les frères, les soeurs, papa, maman, parfois les tantes, les amis les plus proches, tous passaient pour aider, chacun à sa place. Les cueilleurs sur les échelles car on ne monte jamais dans un cerisier dont le bois est cassant. Les autres aux paniers, petits pour ne pas accumuler les cerises, ne pas les écraser, d'autres pour trier les possibles fruits abîmés. Maman faisait alors des confitures si la production devenait géante, si notre gourmandise n'arrivait pas à tout dévorer. Des clafoutis dans le four, des moments complices entre les générations, pour faire la pâte, la recette secrète, pour sentir les gâteaux développer leurs parfums, pour apercevoir le jus rouge se mêler à la pâte moelleuse, souple et dorée. Les anciens, grands-mères et grands-pères, épluchaient d'un geste précis les cerises pour le jus ,bientôt compensé de sucre, jeté dans la grande cuvette en cuivre.
Une famille de gourmands, un jardin si agréable, et même une tradition. Lorsqu'un couple venait à se marier, en juin, nous faisions poser la mariée sur une échelle (oui en équilibre avec ses talons et sa longue robe), son soupirant en bas, le cerisier et ses fruits rouges comme une couronne bénite. Que de rigolades, là aussi !
Et durant l'année suivante, nous offrions les pots de la confiture des mariées. Celle-ci ce matin, me donne le vertige, ceux de l'amour avec ce chéri, là à côté de moi. Ah un simple petit-déjeuner, mais un voyage gourmet et amoureux.
Nylonement