Oui nous pouvons te tutoyer car même si nous ne t'avons pas invité, tu es venu chez nous. Avant tu étais passé chez le voisin, chez l'ami d'enfance de mon autre voisin, tu t'étais installé dans sa famille. Incrusté serait plutôt le terme exact. Tu ne veux pas être là au bout de la table, non, tu rentres en nous mais avec aucun cadeau. Quelle impolitesse !
Normal, tu es le mal, l'hôte non désiré qui prend place pour mieux dévorer l'autre. Tu deviens partie de nous, car là encore tu es chez ma collègue, chez sa mère aussi, tu aimes à foison étendre ta dévorante conquête. Et nous dans tout cela ? nous refusons de nous habituer, nous refusons ta réalité car notre esprit est encore libre quand tu croques un peu de nos corps. La lutte est bien là, protéforme, comme toi, car les moyens sont multiples, les combats laissent des victimes derière nous, des défunts et surtout des familles ravagées de larmes.
Contre tes douleurs, je serai chevalier sans armure, sans blouse non plus, juste avec des épaules pour soulager les doutes, les obscurs effets secondaires de tes premières attaques, les semaines et les mois d'attente, les moments sans force. Je soutiendrai les autres, si je le peux, quitte à pleurer dans mon coin, quitte à baisser moi aussi les bras face à ta tenacité. Certes parfois, je croûle sous ton poids, je hurle contre toi, dans le vide d'un trajet pour expulser ma révolte contre l'injustice que tu es. Oui je te hais, car tu voles des moments d'amour dans des familles, car tu prends sans rien donner.
Vous aussi, n'oubliez pas vos proches, vos collègues, vos amis, car ce mal est bien trop présent. Le cancer du sein tue encore trop de femmes, de mères, de filles, de jeunes femmes, de féminité pour toujours. Ne restez pas silencieux, ni trop éloigné même si vous ne trouvez pas les mots, votre présence rassure, votre humanité apporte une sérénité relative, votre écoute soigne.
Nylonement