L'attendre, ne pas ressentir le temps qui passe, tant les secondes que les minutes, plusieurs dizaines peut-être déjà, juste l'attendre. Dans ce café, maintenant assise, après cette course pour finir ce dossier de dernière minute, un sourire en appuyant sur la touche enter pour envoyer ce dernier email pro de la journée, partir avec u aurevoir rapide aux collègues les plus proches, rien de plus, le métro, je suis là sur ce siège, face à un café. J'ai attendu un peu avant d'entrer mais le froid, ce vent d'automne appelant celui d'hiver, m'a poussé à l'intérieur. Ma tenue, ma jupe, mes bottes et ce collant ne coupaient pas assez la sensation physique. Les émotions sont suffisantes pour me faire trembler, pour ne plus maîtriser ma sensibilité. J'ai déposé ma parka sur le siège, juste ce pull, cette couleur qu'il adore, ce message vers lui, pour qu'il me voit tout de suite.
La bouche de métro, là dehors, j'observe chaque passant, chaque silhouette, les milles et uns manteaux, blousons et autres cabans, les écharpes enveloppant les visages anonymes. Quand apparaîtra-t-il sur la dernière marche ? un rendez-vous, pas le premier, mais pourtant important car ce soir ce sera notre première nuit, notre premier week-end ensemble, tant de premières fois avec lui. Une rencontre internet, improbable, autant pour lui que pour moi, tous les deux pris dans le labyrinthe de nos études. Sages semaines sans vraiment de sorties, des copines qui en rigolent parfois s'en désespèrent mais je veux réussir, alors je sacrifie mes heures devant mes livres, mes rapports, mes études de cas. Encore et encore. Lui aussi. Il y a eu ce soir-là, je ne sais plus quand, un vide intérieur, une nuit sans sommeil, des angoisses sur ma féminité, mon âge, le sens profond de mes études, cette petite chambre devenue encore plus étroite, plus froide, des larmes. J'ai soufflé heureusement pendant les vacances suivantes, de retour auprès de ma famille, des mes autre soeurs, plus épanouies dans leurs parcours. J'ai revu ma meilleure amie, elle m'a invitée à une soirée imprévue. Il était là, lui, avec son regard perdu, seul. Nous avons parlé, de tout, de rien, de nos études, et finalement ri de nos chemins communs, chacun à un coin de la France, Bordeaux pour moi, NIce et Lille pour lui. Je l'attends car les mots ne me suffisent plus, ces lettres non plus. Car romantiques et bien dans notre époque, nous avons repris l'effet surprise des mots écrits, des paquets avec le parfum de l'autre, une présence moins futile qu'un email. Nous connectés, nous avons notre circuit parallèle, une résistance plus humaine, le coeur battant dans la file d'attente de la poste, pour un paquet, pour une lettre, pour un bout vers lui, pour recevoir des battements de coeur en plus.
Un bonnet bleu comme mon pull, son parka rouge, son regard direct vers moi, il est là, juste derrière la vitre, devant la porte, quelques pas, devant moi. Ses lèvres !
Nylonement