Je ne compte plus les heures, voire les minutes de sommeil. La fin d'été, l'automne sont des moments surchargés de travail. Dans l'intensité de l'effort, dans la concentration extrême de tous instants, tôt le matin avec les collaborateurs, toutes les personnes présentes dans les premières lueurs du jour, je dirige ce domaine. Alors je vérifie que chacun est bien noté et enregistré les consignes sur les actions dans la vigne, dans le cuvier. Rien ne doit saborder des mois d'attente, des semaines compliquées cette année avec une météo devenue folle, après des mois de pluie qui attise les pourritures et les maladies, des mois de soleil trop lourd sur les ceps.
Les vendangeuses chantent, les hommes prennent les hottes qui seront vite bien lourdes. Les contremaîtres accompagnent les groupes dans les parcelles pour ne prendre que les grappes mûres, choisir les cépages prêts pour devenir un vin de qualité. Les analyses, je les fait plusieurs fois par jours, très tôt ce matin, juste après ma première visite dans le cuvier. Les températures si importantes à maîtriser, pour ne pas tuer les bastéries utiles, pour ne pas perturber la naissance des arômes, la lente bataille de l'alcool, des sucres et des levures. Gains écrasé, jus abondants, saveurs primaires, et puis tous les robinets et autres tuyaux pour aller ici et là, les combinaisons connus depuis des décennies entre tel cépage, telle maturité de terroirs, telle force à contenir, telle faiblesse à cajoler. J'observe, je combine, je devine l'avenir, je me fais aider aussi par l'oenologue conseil de passage quelques heures dans la propriété. Son avis plus global sur le millésime, sur les premiers jus des autres, sur les nôtres. Nous réfléchissons et nos sommes aussi dans l'action, sur le tracteur, entre les rangées de ceps, pour voir les femmes et les hommes sous le soleil, pour guider les plus novices dans le choix juste des bons grains, pour goûter la vigne, fruits multiples pour un bébé de l'année, pour soigner les doigts parfois, pour trier les grappes, voir encore les parcelles, retourner aussitôt vers le cuvier. Des heures, des journées interminables, des mesures encore, des retours souriants sur les résultats, des arômes partout, du soleil, des personnes fatigués autour d'une table ce soir, sous les chênes centenaires du domaine. Une convivialité entre générations, une transmission, un labeur, des doutes aussi derrière mes sourires, le début d'une autre étape, celle du maître de chai, celle de l'élevage du vin, des différentes cuvées, de la plus prestigieuse si l'année nous le permet. J'aime cette folle énergie, même si je dois me glisser dans une salopette et un tee-shirt pour mieux caracoler dans tous les coins et recoins de cette propriété. Ma féminité, du moins la mode s'efface derrière mon métier, ma passion.
Bientôt, je pourrais reprendre une courte pause, dans les prochaines semaines, retrouver enfin une tenue plus féminine, en dégustant avec les critiques mes vins. Je rêve d'une jupe longue plissée, une teinte claire, un tissu fluide.
Nylonement
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